Perfumed Nightmare

C’est l’histoire d’un homme vivant dans un petit village, dont on ne peut entrer et sortir que par un seul pont étroit. Kidlat, le narrateur (interprété par le réalisateur, également scénariste, chef-opérateur, monteur et producteur !) l’appelle « pont de vie ». Il raconte comment, dès l’enfance, il a voulu aller voir plus loin et traverser ce pont. Il le fait, à l’image, littéralement avec un bout de ficelle. Et en tirant un tout petit camion rouge au bout de la ficelle. Peu à peu, le camion grandit, jusqu’à devenir le véhicule que conduit Kidlat adulte : un Jippney, sorte de taxi-brousse bidouillé à partir d’une jeep surmontée d’une carcasse et repeinte en couleurs vives. Kidlat écoute à la radio « La Voix de l’Amérique » et rêve d’aller sur la lune. Il ira jusqu’en Europe, et notamment dans la France de Giscard, à Paris, où il y a encore des marchandes des quatre-saisons et aussi des ponts. Tellement de ponts.

Attention, OVNI. Ce drôle de film drôle est un régal d’inventions poétiques, visuelles et narratives, estampillées du gros grain du 16 mm. Fabriqué avec amour, humour et conviction, Perfumed Nightmare prend des chemins de traverse et, même s’il se perd un peu en son mitan, apparaît en cette année 2020 comme un petit miracle. Il exalte la force de la volonté et de l’imagination, raconte mine de rien la disparité des mondes, déplore la logique industrielle marquant la fin d’une époque d’invention, de système D et d’artisanat. Prix FIPRESCI à Berlin en 1977, Grand Prix au Festival d’Amiens 1979, Perfumed Nightmare a voyagé de par le monde et fut adoubé par Francis Ford Coppola aux États-Unis. Kidlat Tahimik, son réalisateur (et homme-orchestre) a signé depuis sept longs-métrages, pour la plupart documentaires. Ce premier essai est un bricolage rigolo, follement humain, constamment vibrant qui, plus de quarante ans après sa fabrication, garde une fraîcheur joliment revigorante.