Des preuves d’amour d’Alice Douard

Le soleil en face

Pour son passage au format long, Alice Douard réussit un film solaire et généreux, énergique et frais, drôle et émouvant. Sans tomber dans l’illustration thématique, elle raconte notre société contemporaine en imbriquant lien amoureux, comaternité et parcours d’une combattante. Avec un duo éblouissant : Ella Rumpf et Monia Chokri.

En prolongement de son court-métrage césarisé L’Attente, Alice Douard livre avec Des preuves d’amour la version longue et enrichie de la grande aventure d’un couple de femmes bientôt plongé dans la maternité. Une maternité biologique, donc reconnue juridiquement d’office pour l’une, Nadia, qui porte l’enfant, mais un véritable enjeu sociétal pour l’autre, Céline, qui doit passer par un chemin d’embûches et d’étapes alambiquées pour décrocher le sésame de coparent, en l’occurrence l’autre mère. Plutôt que d’orienter ce parcours vers une guerre ou un chemin de croix, mais sans nier la réalité complexe, la réalisatrice opte pour l’élan et la vitalité. Son premier long-métrage, présenté en séance spéciale à la 64e Semaine de la Critique, vise même la réjouissance. Par l’énergie, par la volonté, par le désir aussi de faire un cinéma ample et fédérateur, en montrant que les questions de ce duo féminin sont avant tout communes et universelles. Cette épopée galvanisée nous ouvre grand les bras, densifiée par la texture de l’image signée Jacques Girault (Sauvage, Petite Nature, Le Théorème de Marguerite).

La pulsion de vie contagieuse s’épanouit, de la douceur à l’explosion, de la perplexité au débordement émotionnel, grâce à une finesse des situations qui accueille l’humanité dans ses contradictions. Le cinéma est le terrain où tout est permis. Alors, on se redéclare sa flamme en chantant yeux dans les yeux en lip sync le Flume Remix du You & Me de Disclosure. On retend la main comme on peut à celle qui a donné la vie et avec qui le lien s’est (dis)tendu. Alice Douard a choisi d’associer des natures et cinégénies singulières, à la force d’incarnation nourrissant ce bijou d’une humanité débordante. Ella Rumpf illumine chaque image et devient le vecteur bouleversant d’un sacré chemin de vie. Monia Chokri irradie d’humour et de bienveillance sans chichis ce périple sur une grossesse, une histoire d’amour et un environnement remuant. Elles sont entourées d’une pléiade de visages connus, dont des cinéastes venues en amies et des espoirs non moins épatants (Félix Kysyl, Éva Huault, Édouard Sulpice). Des preuves d’amour, c’est la jubilation du romanesque qui fait du bien.