8e édition du Champs-Élysées Film Festival

Le festival rêvé de cinéma

Le célèbre festival de cinéma du huitième arrondissement parisien fête sa huitième édition. L’occasion d’essayer de décortiquer la formule magique d’un événement qui offre, plutôt qu’un programme, une promesse…

Sophie Dulac, maîtresse de cérémonie, présidente et fondatrice du Champs- Élysées Film Festival (CEFF) avait, à l’origine, une ambition à la fois simple et vertigineuse : offrir à Paris le grand festival de cinéma qui lui manquait. Car, si la capitale offre de très nombreux événements cinématographiques estampillés « festivals » (« Toute la mémoire du monde », le PIFFF, etc.), ils se cantonnent bien souvent à un seul cinéma, voire à une seule salle. Avant le CEFF, aucun festival parisien de cinéma ne ressemblait à ce qu’on attend ailleurs de pareille manifestation, à savoir un événement monopolisant tout un espace géographique, avec tapis rouge et soirées de gala. Face au succès des festivals de Deauville ou de Cabourg, travaillant une image de glamour dans l’héritage du Festival de Cannes, on peut comprendre l’envie d’importer le concept sur l’avenue la plus célèbre du monde.

 

American Dream

En province, un festival de cinéma, c’est un dynamisme économique, culturel et touristique pour un territoire. À Paris, l’agenda des événements est sans cesse bien rempli, entraînant une concurrence féroce sur le marché de la subvention et pour le remplissage des salles. Mais Sophie Dulac a tenu bon. La petite-fille de Marcel Bleustein-Blanchet, fondateur du Groupe Publicis (près de 9 milliards d’euros de chiffre d’affaires en 2018) a pu compter sur le précieux partenariat du troisième groupe de publicité au monde. Pourtant, si son nom est connu de tous, du monde du cinéma à celui des affaires, l’argent ne fait pas tout. Il faut s’imposer, faire de son festival une manifestation indispensable. Et force est de constater que Sophie Dulac y est parvenue, en trouvant un équilibre parfait entre culture et glamour.

La distributrice a eu l’excellente idée de se tourner vers les États-Unis. Grâce au succès du Festival de Sundance, et à la réputation à la fois branchée et intello de cinéastes comme Quentin Tarantino ou Steven Soderbergh, le terme « cinéma indépendant » commençait en France à gagner en popularité. S’il avait un sens aux États-Unis (indépendant des studios), il était difficilement applicable à l’écosystème français – les films qualifiés d’ « artistiques » étant bien plus dépendants d’un système qu’indépendants, et certaines des sociétés au plus gros chiffre d’affaires du secteur (Gaumont ou Pathé) se targuaient de l’indépendance de leurs capitaux. Mais il fallait bien dire qu’« art et essai », ça sonnait un peu suranné comme dénomination. Parler d’art et essai auprès du grand public garantit la crainte d’un cinéma poussiéreux ou ennuyeux, alors que « cinéma indépendant », c’est l’annonce d’un cinéma jeune, cool et rebelle. Le coup de force était donc surtout sémantique, et Sophie Dulac, qui a du sang de publicitaire dans les veines, ne s’y est pas trompée. Ainsi, peu importe si la programmation en compétition – du cinéma américain et français, donc – n’est que rarement mémorable, elle ne sert qu’à installer l’identité du festival. Une identité permettant à la fois de programmer des films inconnus, de réalisateurs débutants, sans avoir pour exister à devenir nécessairement un révélateur de talents, ou même un tremplin.

Jeff Goldblum © Pierre Caudevelle

Un monde de privilégiés

Bien sûr, il ne suffit pas que le festival soit renommé, il faut encore qu’il attire du public. Et pour ça, l’Amérique reste la solution miracle. Le festival offre en outre un nombre important de master class adossées à la compétition, ainsi que des projections de films de patrimoine liés à un invité particulier. Des personnalités américaines souvent de premier rang, qui feront déplacer même le moins enthousiaste des cinéphiles. Ainsi, cette année, le public parisien a-t-il pu écouter Jeff Goldblum, Kyle MacLachlan ou encore Christopher Walken revenir longuement sur leurs carrières. Quant au jury, s’il est entièrement français et plus hétéroclite, il n’en est pas moins composé de personnalités réputées, de la réalisatrice Danielle Arbid au comédien Océan, en passant par l’humoriste Grégoire Ludig, le cinéaste Stéphane Brizé ou la chanteuse Jeanne Added. Car enfin, ce qui fait la clé finale de la réussite du festival, la cerise sur le gâteau, sont les fameux  showcases, ces petits concerts presque privés, organisés sur le très beau rooftop du Publicis (doté d’une vue sur l’Arc de Triomphe). On a rarement vu festival de cinéma plus « instagrammable » ! Accédant à ces instants uniques et mémorables, à la hauteur d’une soirée cannoise, le spectateur se sent privilégié. Car telle est la raison d’être du Champs-Élysées Film Festival : ouvrir à tous les portes d’un monde rêvé de cinéma.