Rendez-vous à Tokyo de Daigo Matsui

Amours défuntes

En sept dates et à rebours, ce premier film charmant nous conte une histoire d’amour. Si on en connaît l’issue, ses prémices nous ravissent.

Il y a une grosse horloge donnant la date et le jour. Et un appartement, toujours le même croit-on, sauf que non. Accrochez-vous aux premières images de Rendez-vous à Tokyo, trouvez votre chemin dans ce dédale d’abord troublant : vous ne le regretterez pas. Tout est étrange de prime abord, les 26 juillet se répètent, ce jour-là, un jeune homme, Teruo, fête son anniversaire. Mais au lieu d’avancer, le temps recule. On le rencontre, éclairagiste de spectacles s’essayant à danser sur scène la nuit ; par hasard, une chauffeuse de taxi, Yo, entre dans la salle à la recherche de son client et, à sa vue, sa physionomie change… On retrouve Teruo, éclairagiste débutant malmené par sa cheffe, puis blessé et en colère, puis danseur prometteur et amoureux. Au fil de cette vie qui remonte le temps, de 26 juillet en 26 juillet, on découvre petit à petit que Yo et Teruo, la chauffeuse de taxi et le danseur, se sont aimés…

Abstraite au début, et sans doute un peu trop longue à se mettre en place, cette anatomie d’une rencontre dans le Tokyo d’aujourd’hui est, comme ces films concepts qui l’ont précédé (Memento de Christopher Nolan, en 2000 pour le meilleur ; Irréversible de Gaspar Noé en 2002 pour le pire) : un peu trop fabriquée pour fonctionner totalement. Mais il n’empêche que ce premier long-métrage signé Daigo Matsui recèle bien des trésors. Par exemple, lors d’une scène délicieuse, Yo, tout en lavant son taxi au jet d’eau, entend une musique échappée d’une fenêtre, et se met machinalement à opérer des mouvements de gymnastique d’une grâce singulière. Ce n’est que bien plus tard que cette performance drolatique prend tout son sens. 

Le corps n’oublie pas. Et le cœur a ses raisons… C’est ce que ce joli film romantique et nostalgique nous dit, tout en remontant l’époque récente qui a vu passer le Covid et la distanciation. Ceux-ci sont d’ailleurs comme la face immergée de l’iceberg des sentiments complexes présidant aux destinées de Teruo et Yo. Ajoutons que ce premier film ambitieux bénéficie de deux interprètes – Sosuke Ikematsu et Sairi I– dont la fraîcheur nous emporte. Et que, mine de rien, de la gravité à la légèreté, Rendez-vous à Tokyo conte le passage à l’âge adulte, la perte, le renoncement, les regrets… Qui vous construisent et vous fondent. Pour mieux repartir, recommencer, rebondir. Car la vie est pleine d’imagination.