Indiana Jones et le cadran de la destinée de James Mangold

Les héros sont fatigués

Malgré d’évidentes qualités et un Harrison Ford toujours en forme, un dernier opus en partie gâché par plusieurs scènes fantaisistes et par une profusion d’images de synthèse, à la qualité discutable.

C’était il y a quinze ans déjà. Indiana Jones et le Royaume du crâne de cristal était présenté en avant-première mondiale au Festival de Cannes, suscitant des réactions pour le moins mitigées. Il y a un mois, sur la Croisette, Indiana Jones et le Cadran de la destinée, le premier volet réalisé par James Mangold, a connu un destin finalement similaire. 

On ne reviendra pas ici sur l’opus signé Steven Spielberg, toujours vilipendé par de nombreux fans malgré un succès public réel lors de sa sortie en salle, pour se consacrer à ce cinquième, et très probablement ultime, volet mettant en scène Harrison Ford en intrépide archéologue. Car l’âge de l’acteur est probablement la principale source des défauts et des qualités de ce film. Il ne s’agit pas ici de minimiser le travail de James Mangold, consciencieux artisan, évoquant dans sa mise en scène et dans les sujets de plusieurs de ses films (3 h 10 pour Yuma, Walk the Line), l’esprit d’un Hollywood disparu. Le réalisateur de Logan ou Le Mans ’66 était en effet le meilleur choix pour faire revivre une dernière fois sur grand écran les aventures du héros au fedora si reconnaissable. 

Au-delà du talent de Mangold, l’attente des spectateurs se porte plus en effet sur la capacité d’Harrison Ford, une des dernières stars du nouvel Hollywood qui puisse encore porter un blockbuster (fût-il une franchise) sur ses épaules, d’être à 80 ans le héros convaincant d’un film d’action. Pour cela, il a fallu évidemment tricher et c’est bien là que le bât blesse. Avant que l’aventure ne démarre vraiment en 1969, un long prologue, situé pendant la Seconde Guerre mondiale, introduit l’histoire, en faisant appel à la technologie du rajeunissement numérique, narrant une nouvelle bagarre entre Indiana Jones et des nazis. Au-delà du rajeunissement, plutôt efficace, du visage d’Harrison Ford, ce trop long prologue souffre d’un irréalisme presque total, la faute à des effets numériques omniprésents permettant à des personnages de se tenir debout sur un train lancé à vive allure, comme s’ils étaient en train de discuter tranquillement, solidement arrimés au sol. L’absence de gravité des personnages donne à la séquence un caractère cartoonesque (Bip Bip et Vil Coyote ne sont pas loin), qui entachera certaines séquences tout aussi fantaisistes du film (entre autres, une effarante poursuite, où l’acteur octogénaire apparaît singulièrement décalé sur un cheval au galop en plein métro new-yorkais).

Indiana Jones et le cadran de la destinée de James Mangold. Copyright 2022 Lucasfilm Ltd. & TM. All Rights Reserved.

Heureusement, ce volet ne se réduit pas à ces séquences d’action en images de synthèse et James Mangold est beaucoup plus inspiré quand il promène ses personnages entre une parade de rue new-yorkaise, une ville portuaire méditerranéenne, théâtre d’une amusante poursuite motorisée, et l’exploration d’une grotte antique. Il se montre également beaucoup plus convaincant quand il s’agit de filmer un Indiana Jones fatigué et mélancolique, définitivement déconnecté de l’époque dans laquelle il évolue. On se souvient alors de la raison d’être du film, offrir un dernier tour de piste à Harrison Ford dans la peau du célèbre aventurier. Tour à tour ronchon, désabusé, puis déterminé, et bien sûr délicieusement ironique, l’acteur entre encore une fois avec une gourmandise visible dans ce costume taillé pour lui et reste de très loin l’atout majeur de ce divertissement. Il n’est pas seul en scène et Mads Mikkelsen est un antagoniste convaincant, quand le jeune Ethann Isidore apporte une certaine fraîcheur à l’histoire. Mais on retiendra surtout la vive Phoebe Waller-Jones, qui incarne avec élégance une comparse roublarde et imprévisible. 

Et si le dernier acte, gâché comme l’introduction par une profusion de plans larges en images de synthèse, pousse le bouchon vraiment trop loin (on n’en révélera pas le contexte ici), l’épilogue, d’une belle modestie, permet de clore le film sur une touche d’une simplicité très émouvante.

 

François-Xavier Taboni