The Sweet East

Balade américaine

Portrait d’une Amérique malade dans un road-movie façon Alice au pays des merveilles moderne : présenté à la Quinzaine des Cinéastes, The Sweet East, premier film du chef-opérateur Sean Price Williams, est inventif, féroce et surtout très drôle.

 

Directeur de la photographie exigeant, au style granuleux, argentique et vintage très identifiable, Sean Price Williams s’était fait une place de choix dans la mouvance du cinéma indé new-yorkais qui a émergé au début des années 2010. Chef op d’Alex Ross Perry (Listen up Philip, Queen of Earth) ou des frères Safdie (Mad Love in New York, Good Time), il passe ainsi, à 45 ans, à la réalisation. Les amateurs de ce cinéma héritier du Nouvel Hollywood seront ravis d’assister à la naissance de ce nouveau cinéaste. Mais, tout en s’inscrivant dans l’héritage de ses pairs (il a comme eux développé une cinéphilie pointue dans les vidéoclubs légendaires de l’East Village), il sait aussi s’en défaire. Ici, ni mélancolie à la Perry ou folle adrénaline à la Safdie : Sean Price Williams nous offre une piquante comédie en forme d’odyssée sauvage.

C’est l’histoire de Lilian (Talia Ryder), qui en a marre de sa vie, de son copain pas très intéressant et peu investi, du lycée, et de la vie banale d’une post-adolescente américaine. Un soir, elle fugue et, de rencontre en rencontre, vivra d’improbables aventures dans l’est des États-Unis. Rebelles néo-punks, boy-scouts islamistes ou néonazis tendance QAnon : The Sweet East est une promenade à travers la variété des revendications politiques et identitaires qui font des États-Unis ce pays si bizarre et problématique. Mais, loin d’être un film théorique, ce premier long-métrage est surtout un film finalement assez tendre, saisissant parfaitement l’air du temps, et dessinant des personnages délicieusement drôles, aux répliques souvent hilarantes (il faut saluer le sens acéré du dialogue du scénariste Nick Pinkerton) et campés par des comédiens totalement investis (notamment le génial Simon Rex, qu’on avait déjà vu à Cannes dans Red Rocket de Sean Baker). Un premier film plein d’audace, politique sans donner de leçon, et qui marque la rétine autant que l’esprit.