Cannes 2023

La Semaine de la Critique ouvre ses bras

Quoi de beau au programme de la 62e édition de la Semaine de la Critique ? Des ados dans tous leurs états, des filles qui défient les règles, des fantômes, des couleurs, de l’animation, du désir, de l’amour, des genres et des familles en pleine révolution. Et puis Hafsia Herzi, Karim Leklou, Nahuel Pérez Biscayart, Jehnny Beth et Agathe Rousselle.

Ouvrant les bras au jeune cinéma, la section parallèle cannoise la Semaine de la Critique inscrit son ADN jusque dans son affiche, câlin père-fille extrait du succès mondial sélectionné l’an dernier Aftersun de Charlotte Wells avec Paul Mescal et Frankie Corio. La déléguée générale Ava Cahen a annoncé ce lundi les onze nouveaux longs-métrages retenus, avant que les treize courts-métrages ne soient dévoilés ce mercredi.

Des pays sont en pleine ébullition créative : la Malaisie, avec le premier long Tiger Stripes d’Amanda Nell Eu, portrait d’émancipation adolescente, entre Girl Power et fantastique ; la Jordanie, avec le premier long également combatif face aux injonctions patriarcales Inshallah A Boy d’Amjad Al Rasheed ; l’Égypte, avec le court Paradis signé Morad Mostafa (on se souvient du Grand Prix 2021 attribué au long Plumes d’Omar El Zohairy) ; et la Croatie, avec le court The Real Truth about the Fight d’Andrea Slavicek, à qui on souhaite le même parcours que sa compatriote Antoneta Alamat Kusijanovic, Caméra d’or 2021 pour Murina (Quinzaine des Réalisateurs).

Un an après le thriller tendu About Kim Sohee de July Jung, la Corée du Sud revient, cette fois en compétition, avec le premier long d’un assistant de Bong Joon-ho (Parasite, Palme d’or 2019), Jason Yu . Le film s’appelle Sleep, et devrait empêcher de dormir, puisqu’il parle, entre humour et frissons, de fantôme et de sort déjoué. Déjouer le sort est aussi au programme de Levante, premier long de la Brésilienne Lillah Halla, centré sur une jeune volleyeuse enceinte, confrontée à la réalité de son pays, où l’avortement n’est pas libre et où l’extrémisme évangéliste menace, mais soutenue par la sororité et la diversité. Une sororité qui guide aussi les fillettes du court-métrage d’animation à écran d’épingles La Saison pourpre de Clémence Bouchereau, avec un travail sur les ombres, tout comme l’autre court animé Via Dolorosa de Rachel Gutgarts arpente Jérusalem, en noir et blanc.

Ama Gloria de Marie Amachoukeli. Copyrights : Pyramide Distribution.

Tissant des liens entre hier, aujourd’hui et demain, la section retrouve des cinéastes. Marie Amachoukeli présenta en 2009 avec Claire Burger leur court C’est gratuit pour les filles. Après leur Caméra d’or cannoise Party Girl, cosignée avec Samuel Theis (venu à la Semaine en 2021 avec son premier long en solo Petite Nature), elle ouvre cette 62e édition avec Ama Gloria, ode estivale d’un amour total et délicat entre une gamine et sa nounou cap-verdienne. En 2009 aussi, le réalisateur serbe Vladimir Perisic offrit à la Semaine sa première venue en compétition avec Ordinary People. Son second long Lost Country le remet sur le devant de la scène, et s’annonce comme le récit initiatique d’amour et de désillusion d’un adolescent pris dans la confrontation avec sa mère, durant la tourmente de l’histoire serbe en 1996, avec notamment la star nationale Jasna Duricic.

Passé comme Marie Amachoukeli par la case courts à la Semaine, avec Le Soldat vierge en 2016, Erwan Le Duc clôturera l’édition 62 avec son second long La Fille de son père, ou comment une adolescente et son papa plient comme les roseaux, mais ne rompent pas. Avec Céleste Brunquell (Les Éblouis de Sarah Suco, En thérapie, saison 1), et Nahuel Pérez Biscayart, révélé à la Semaine en 2008 dans La sangre brota de Pablo Fendrik, avant d’y revenir comme juré dix ans plus tard. Hafsia Herzi, révélée comme cinéaste à la Semaine 2019 avec son bijou Tu mérites un amour, revient en premier rôle, filmée par une autre, Iris Kaltenbäck, dans la chronique d’un bouleversement existentiel Le Ravissement, entourée de Nina Meurisse et Alexis Manenti. En compétition.

Avec sa dystopie de métamorphose Midnight Skin, le réalisateur grec Manolis Mavris retrouve, lui, le chemin de la section cannoise, deux ans après Brutalia, Prix Canal+ du court-métrage. Ce court sera présenté dans une séance spéciale qui s’annonce décapante, avec aussi Pleure pas Gabriel, de Mathilde Chavanne, présente à la Quinzaine des Réalisateurs 2021 pour Simone est partie, et Stranger, cosigné par la réalisatrice Iris Chassaigne et par la chanteuse et actrice Jehnny Beth, au générique en compétition à l’Officiel d’Anatomie d’une chute de Justine Triet, fêtée à la Semaine en 2016 avec Victoria.

Dans ces deux opus courts, on retrouve aussi des acteurs prisés à la Semaine : Dimitri Doré dans le premier, deux ans après sa révélation dans Bruno Reidal de Vincent Le Port, et Finnegan Oldfield dans le deuxième, lui qui traverse Ce n’est pas un film de cow-boys de Benjamin Parent (2011), Ni le ciel ni la terre de Clément Cogitore (2015) et La Terre des hommes de Naël Marandin (2020). Au générique de Stranger, ce dernier croise Agathe Rousselle, révélation fracassante de la Palme d’or 2021 Titane, de Julia Ducournau, enfant de la Semaine de la Critique (Junior, 2011, Grave, 2016).

Karim Leklou retrouve aussi la Semaine, toujours hors compétition, un an après Goutte d’or de Cogitore, et huit ans après Les Anarchistes d’Elie Wajeman, dans ce qui s’annonce comme une épopée de genre, entre comédie et horreur : Vincent doit mourir de Stéphan Castang, avec aussi Vimala Pons. Une violence annoncée aussi au centre du court-métrage polonais Krokodyl de Dawid Bodzak. Et il y aura du sentiment et du désir, charnel et drolatique, pour Le Syndrome des amours passées du tandem Ann Sirot et Raphaël Balboni, hors compétition. Une nouvelle preuve de la vitalité du jeune cinéma belge, après Nos batailles de Guillaume Senez (2018), Rien à foutre d’Emmanuel Marre et Julie Lecoustre (2021) et Dalva d’Emmanuelle Nicot (2022), tout comme avec Il pleut dans la maison de Paloma Sermon-Daï, portrait en compétition d’un tandem adolescent frère-sœur, entre galère sociale et sentiments de l’été.

Le jury, présidé par la réalisatrice française Audrey Diwan (L’Événement, Lion d’or 2021 à Venise), et composé de l’acteur allemand Franz Rogowski (Une vie cachée, Ondine, Great Freedom, Disco Boy, Passages), du chef-op portugais Rui Poças (Tabou, Zama, Les Bonnes Manières, Alma Viva, Feu follet), de la directrice de la programmation du Festival de Sundance Kim Yutami, et de la journaliste et curatrice indienne Meenakshi Shedde, va pouvoir faire ses choix parmi ses découvertes dès le 17 mai.

 

Sélection de la 62e Semaine de la Critique 

Compétition :

Longs-métrages
Il pleut dans la maison de Paloma Sermon-Daï
Inshallah a Boy d’Amjad Al Rasheed
Levante de Lillah Halla
Lost Country de Vladimir Perisic
Le Ravissement d’Iris Kaltenbäck
Sleep de Jason Yu
Tiger Stripes d’Amanda Nell Eu

Courts-métrages
Arkhé d’Armando Navarro
Boléro de Nans Laborde-Jourdaa
Contadores d’Irati Gorsotidi Agirretxe
Corpos Cintilantes d’Inès Teixeira
I Promise You Paradise de Morad Mostafa
Krokodyl de Dawid Bodzak
La Saison pourpre de Clémence Bouchereau
Prava istina price o sori d’Andrea Slavicek
Via dolorosa de Rachel Gutgarts
Walking With Her into the Night de Hui Shu

Séances spéciales :

Longs-métrages
Ama Gloria de Marie Amachoukeli (Ouverture)
Le Syndrome des amours passées d’Ann Sirot & Raphaël Balboni
Vincent doit mourir de Stéphan Castang
La Fille de son père d’Erwan Le Duc (Clôture)

Courts-métrages
Mignight Skin de Manolis Mavris
Pleure pas Gabriel de Mathilde Chavanne
Stranger de Jehnny Beth & Iris Chassaigne