Le Cours de la vie

Aimer les histoires

Tourné en peu de temps dans la ville rose, Le Cours de la vie met en scène une scénariste et décrit une manière de raconter des histoires. Et pourquoi. Naïf et sincère.

Noémie (Agnès Jaoui), scénariste renommée, arrive à Toulouse pour donner une master class aux étudiants de l’ENSAV. L’École Nationale Supérieure de l’Audiovisuel est « la troisième école de cinéma de France après la Fémis et l’École Louis Lumière » selon Vincent (Jonathan Zaccaï), son directeur, qui ajoute, fataliste : « mais personne ne la connaît ».

Dans ce cadre idyllique – cour ombragée, salle de cours en amphithéâtre et même une bibliothèque tapissée de livres (qui appartient en réalité à la Cinémathèque de Toulouse !) -,  Frédéric Sojcher (Cinéastes à tout prix, Je veux être actrice) et son scénariste Alain Layrac déploient leur intrigue. Ils campent des retrouvailles entre Noémie et Vincent, qui se sont aimés jadis et quittés pour des raisons obscures ; or Vincent est en pleine séparation après dix-huit ans de mariage.

Cet axe principal est porté avec ardeur par Jaoui et Zaccaï, dont le duo fonctionne joliment, des regrets aux douleurs communes, en passant par une connivence retrouvée. On regrette que les « jeunes », les étudiants en cinéma, soient réduits à des stéréotypes, à de banales histoires de jalousies, de couples, voire de triolisme, qui restent plates, car elles ne s’incarnent jamais. Par conséquent, ces auditeurs et spectateurs, qui sont censés représenter le cinéma de demain, n’existent pas. C’est ballot. Voilà des personnages qui auraient nécessité que les scénaristes s’y attardent…

Le Cours de la vie de Frédéric Sojcher. Copyright Tabotabo films et Sombrero films.

En revanche, le cours magistral, mené par Jaoui, avec son débit précipité et sa présence naturelle, déroule joliment la naissance des histoires, du traditionnel « et si… » à un questionnaire en cent points, destinés à définir les personnages en devenir, de leurs préférences sexuelles à leur pire cauchemar.

Malgré un dispositif à plusieurs caméras un peu pesant, la vitalité du discours, les récits dans le récit s’emboîtant comme des poupées russes (qu’on aperçoit d’ailleurs en amorce dans un plan vu de la cabine de projection) sont souvent passionnantes. Toutes les histoires, grandes et petites, méritent d’être racontées, et chaque individu, qu’il soit terne ou flamboyant, a la sienne. Le personnage secondaire de Louison, la belle-sœur et assistante de Vincent incarnée avec pétillance par Géraldine Nakache, a ainsi droit à son moment, le temps d’un échange avec Noémie dans les toilettes. Et cette confession intime et soudaine dans un lieu trivial est très émouvante.

Bancal, parfois naïf et maladroit, Le Cours de la vie est ainsi traversé d’un vrai désir de cinéma et d’une sincérité palpable.

 

Isabelle Danel