Élémentaire de Peter Sohn

Élémentaire, mon cher Pixar

Dans la lignée de Vice-versa ou Soul, Élémentaire représente, à travers un récit classique, le versant expérimental, mais toujours émouvant des longs-métrages made in Pixar.  

Huit ans après son mélancolique Voyage d’Arlo, Peter Sohn signe son second long-métrage présenté il y a moins d’un mois au Festival de Cannes. Élémentaire (dont le titre français prête plus à confusion que l’original Elemental, plus programmatique) se place dans la lignée des films Pixar les plus expérimentaux de ces dernières années. Comme Vice-versa ou Soul, cet opus encadre des concepts audacieux dans un récit au classicisme rassurant, voire, cette fois, légèrement ronronnant. Voici pour l’histoire : la mégalopole d’Element City accueille plusieurs types d’habitants, comme des liquides, des gazeux, des végétaux, ou des enflammés, bien moins appréciés par le reste de la population. C’est dans cette métropole que la jeune et énergique Flam, dont le nom révèle la substance, fait la connaissance de Flack, son parfait opposé.

Récit d’un amour a priori impossible et de l’émancipation d’un personnage féminin dans un environnement qui lui est hostile, Élémentaire ne surprend guère dans les différentes étapes de son scénario. Heureusement, il n’en va pas de même pour d’autres composantes du long-métrage. On retiendra d’abord l’audace d’un film pour enfants qui présente un personnage féminin combatif et déterminé. Certes, le film de Peter Sohn n’est pas le premier à mettre en avant une héroïne courageuse, mais c’est sa mise en regard d’un personnage masculin sensible et timoré qui apporte une véritable fraîcheur au film. 

Évidemment, le plus intéressant dans l’affaire est que cette complémentarité scénaristique des personnages trouve son équivalent à l’image. On le sait, le rendu des formes et des textures est une obsession de beaucoup de créateurs de cinéma d’animation et cette préoccupation a longuement infusé la créativité des équipes des longs-métrages Pixar. Dans ce domaine, Élémentaire est un véritable festival de jeux visuels servant toujours l’histoire et ses attachants personnages : reflets de Flam dans le corps de Flack, déformations des deux héros lors de courses-poursuites échevelées, changement de structure et d’état des personnages en fonction des circonstances et des difficultés. 

Élémentaire devient alors beaucoup plus que son généreux mais prévisible scénario, et sa mise en scène fait advenir à l’écran la raison d’être du studio : sublimer un brio technique maintes fois vanté pour en tirer émotion et réflexion.