Àma Gloria

Une infinie tendresse

Une petite fille et sa nounou s’aiment passionnément. Mais Gloria doit repartir. S’il est vrai qu’on est de son enfance, Marie Amachoukeli, avec cette chronique inspirée de sa biographie, le montre bel et bien.

Comme une caresse, déjà, le générique en images animées déploie ses tons pastel de mer et de soleil, qui se muent en rouge volcan, de personnage d’enfant blanche en femme noire aux grandes boucles d’oreilles créoles. Douceur et volupté. Et puis, en images réelles, l’œil de la petite Cléo apparaît sous la loupe d’un ophtalmologue, tandis qu’à ses côtés Gloria, une mèche blonde dans ses cheveux de jais bouclés, veille. Derrière ses larges lunettes, les yeux de Cléo (Louise Mauroy-Panzani, étonnante et bouleversante petite personne de six ans) nous chavirent. Et le sourire et le rire de Gloria (Ilça Moreno Zego, présence tellurique et lumineuse) nous achèvent.

Très vite – retour à la maison, jeux avant le dîner, coucher de l’enfant -, on sait que l’amour entre ces deux-là dure depuis toujours. C’est un éclat de rire, des mots doux, une petite main sur un visage, un pied menu disparaissant sous une couette tirée par une main d’adulte… Rien n’est dit, tout est montré, un père seul, qui rentre tard, qui a besoin de Gloria pour garder Cléo tous les jours, et presque tous les soirs. Évidemment, il la paie pour son travail : Gloria est nounou. Mais il y a plus qu’un devoir accompli, il y a les sentiments éperdus, indicibles.

Alors, quand Gloria, par un coup de fil, apprend que sa maman est morte et qu’il lui faut retourner sur son île, ce n’est pas un monde qui s’écroule, mais deux. Heureusement, il y a la promesse des vacances d’été au Cap Vert, et Cléo lâche la main de l’hôtesse de l’air à la sortie de l’aéroport pour se jeter dans les bras de Gloria. Cléo entre dans le monde de Gloria, rencontre ses enfants et comprend que ce qui n’était qu’à elle est aussi à d’autres. Cela s’appelle grandir.

Entre chronique et album de famille, le deuxième long-métrage de Marie Amachoukeli, après Party Girl (Caméra d’or 2014) coréalisé avec Claire Burger et Samuel Theis, est délicat et détaillé. Comme une miniature en peinture, un tanagra en sculpture. Présenté en ouverture de la Semaine de la Critique, il lance joliment une sélection de premiers et deuxièmes films très attendue. Le passé (mais aussi le lieu rêvé avant la réalité du voyage au Cap Vert) est pris en charge par la pureté de l’animation, signée Marie Amachoukeli et Pierre-Emmanuel Lyet. Le présent est émaillé de saynètes vives et chaleureuses. Il y a comme une évidence chez la réalisatrice à partager avec nous, par petites touches ténues, une histoire personnelle, qui, finalement, touche à l’universel. Car Cléa et Gloria sont toutes les petites filles et toutes les nounous, toutes les mères (adoptives, de substitution) du monde. Famille choisie, je vous aime. De la tendresse infinie comme remède à tous les mauvais départs.

 

 

À écouter aussi, l'interview minutée de Marie Amachoukeli par Jenny Ulrich