#J12 - Samedi 27 mai

Bouquet final

– Ça fait quarante ans que la France n’a pas gagné… – Tant que ça ? -Ben oui, Yannick Noah à Roland Garros, c’était en 1983.

Tandis que les section parallèles plient bagage, depuis deux jours déjà, les prix tombent en pluie avant le palmarès officiel de ce soir. À la Semaine de la Critique, Tiger Stripes d’Amanda Nell Eu a reçu le Grand Prix décerné par Audrey Diwan et son jury (Rui Poças, Frank Rogowski, Meenakshi Shedde, Kim Yutani). Ce premier long, venu de Malaisie, suit les pas d’une jeune adolescente, Zaffa, rieuse et délurée, dont le corps soudain change et le met au ban de son groupe d’amies. Traité comme un conte fantastique, Tiger Stripes se balade entre les formats d’images pour embrasser le harcèlement scolaire et la puberté, l’amitié et les réseaux sociaux. Imparfait, mais souvent passionnant, le film réussit ce prodige d’être à la fois âpre et charmant. La Quinzaine des Cinéastes (première édition pour Julien Rejl) s’est achevée avec une projection surprise pilotée par Quentin Tarantino et le Prix SACD pour Un prince de Pierre Creton. Enfin, le jury Un Certain Regard a récompensé pas moins de six films sur vingt. Dont How to Have Sex de Molly Manning Walker et Augure de Baloji. La Queer Palm est revenue à Monster de Hirokazu Kore-eda, et c’est une excellente nouvelle pour ce beau grand film. Enfin, la Palme Dog, récompensant le Meilleur acteur chien toutes  sections confondues, a été remise à Snoop, chien-guide de l’enfant malvoyant dans le très passionnant Anatomie d’une chute de Justine Triet. Et ce n’est qu’un début ! Aujourd’hui : Prix de la Citoyenneté, Œil d’or du documentaire, Prix du jury œcuménique, Prix FIPRESCI de la presse internationale… Et palmarès officiel, of course.

Deux derniers films, et non des moindres, étaient en sélection hier. Le vénéré vétéran bipalmé Ken Loach a présenté The Old Oak, belle histoire d’un village du nord de l’Angleterre, exsangue depuis la fermeture des mines de charbon, où l’arrivée de réfugiés syriens réactive les frustrations, les colères et les peurs. C’est du pur Ken Loach, engagé et humaniste, peut-être un peu trop surligné par moments, mais un film généreux, qui garde les yeux grands ouverts sur le monde ? Last, but not least, Alice Rohrwacher, avec La Chimera, nous emmène également dans une petite ville côtière, mais au bord de la mer Tyrrhénienne. Nous sommes dans les années 1970, un jeune homme sort de prison et rejoint son passé : la mère de la jeune fille qu’il aimait, ses amis pilleurs de tombes étrusques. D’une texture magnifique mélangeant le 35 mm, le 16 et le super 16, l’image nous happe et nous emporte dans cette fable sur les vestiges de notre histoire et ce qu’on en fait. Habité et fiévreux, le film se délite quelque peu en raison de sa durée, mais reste, dans le droit fil des œuvres précédentes de la réalisatrice italienne (Les Merveilles, Heureux comme Lazzaro), ancré, singulier et différent.

Qui va sortir palmé, primé, auréolé, de la cérémonie de remise des prix de ce soir ? Le suspense est entier. Non seulement les films en compétition étaient tous de très bonne tenue, mais on se demande comment le président Rüben Östlund et son jury composé de

Atiq Rahimi, Maryam Touzani, Julia Ducournau, Paul Dano, Brie Larson, Denis Ménochet, et Rungano Nyoni vont bien pouvoir trouver un terrain d’entente. Il n’y a pas de palmarès idéal, mais on souhaiterait des choix clairs (même s’ils nous déplaisent), sans trop d’ex aequo. Et non une remise des prix en forme de distribution de bons points couvrant la moitié des films en lice. Rüben ? Tu m’entends ?