Et c’est parti, pour 10 jours de découvertes et d’émotions cinématographiques.
Hier mardi, la Cérémonie d’ouverture du Festival de Cannes fut menée tambour battant par une Chiara Mastroianni efficace. Sobre en robe noire diamantée en son milieu, la digne fille des monstres sacrés que sont Marcello Mastroianni et Catherine Deneuve a tenu le rythme après une introduction en italien et en chanson : Mi sono innamorato di te de Luigi Tenco. « Le cinéma ne nous a jamais laissés tomber, à nous de prendre soin de lui pendant ces dix jours. »
Appelé sur scène à s’asseoir sous les palmes géantes du décor, le jury 2023 est composé de l’auteur scénariste afghan Atiq Rahimi, de la scénariste et réalisatrice marocaine Maryam Touzani, de la scénariste et réalisatrice française Julia Ducourneau (Palme d’or 2021 avec Titane), du comédien et réalisateur américain Paul Dano, de la comédienne, réalisatrice et productrice américaine Brie Larson, du comédien Denis Ménochet, de la scénariste et réalisatrice zambienne Rungano Nyoni. Et présidé par le chantre « de nos grandes lâchetés et petites faiblesses », Rüben Östlund, deux fois palmé d’or en 2017 et 2022 pour The Square et Sans filtre. Si chaque jury, chaque année, apporte son lot de questions sur le mode « mais comment vont-ils bien pouvoir s’entendre ? », celui-ci semble un mélange détonant, voire explosif…
Après un discours fustigeant les algorithmes et célébrant la salle de cinéma, Mr. President céda la place aux Gabriels pour une belle version de Stand By Me de Ben E. King. Cette cérémonie sans aspérités était décidément placée sous le signe du lien. Parlons d’amour, prenons soin de nous, restons groupés : on ne fait pas plus clair ! La grande famille du cinéma sourit sur la photo. Couvert d’hommages et récipiendaire d’une Palme d’or d’honneur avec standing ovation à la clé, Michael Douglas fut rejoint par une icône, bien qu’elle « déteste ce mot », selon sa fille. Catherine Deneuve déclara : « Je pense beaucoup à l’Ukraine », avant de réciter, instant suspendu, un court poème de la poétesse ukrainienne Lessia Oukraïnka se terminant par ces mots : « Je n’ai plus ni bonheur ni liberté. Une seule espérance m’est restée… ». On se souvient que l’an dernier, le discours d’une vingtaine de minutes du président ukrainien, Volodymyr Zelensky, retransmis sur la scène du Grand Auditorium Lumière avait été un incroyable moment politique, engagé, à peine trois mois après le début de la guerre en Ukraine. Un an et trois mois plus tard, les attaques initiées par la Russie ne font que s’intensifier.
Ouvert, open, en deux langues par les deux stars de cette soirée, le festival a donc officiellement commencé. Chiara Mastroianni annonçait 68 films venant de 27 pays : cela vaut pour la Sélection officielle, dont fait partie la section Un Certain Regard. Elle ouvre ce soir même avec Le Règne animal, deuxième long de Thomas Cailley après le formidable Les Combattants (nous y reviendrons). Mais c’est sans compter le Marché du film : 4000 films et projets annoncés, parmi lesquels tous les films présentés dans le cadre du Festival trouvent aussi leur place. Ni les 11 longs et 8 courts de La Semaine de la Critique, section parallèle dont la 62e édition ouvre ce soir avec un petit bijou de film d’une infinie délicatesse, Ama Gloria de Marie Amachoukeli, ou la relation tendre et bouleversante d’une petite fille de six ans et de sa nounou capverdienne (lire ici notre critique).
La Quinzaine des Cinéastes (ex-Quinzaine des Réalisateurs, on voit par là que le monde bouge) ouvre également ce soir avec le très hiératique et passionnant Procès Goldman de Cédric Kahn. Le film – l’un des 20 longs présentés, aux côtés de 16 courts – retrace avec minutie le procès de ce voleur accusé de meurtre, soutenu par une bonne partie de l’intelligentsia française, dont Simone Signoret. Ce retentissant retour sur notre histoire récente (les années 1970, la guérilla urbaine, l’extrême gauche…) met en lumière l’habileté unique de l’avocat Georges Kiejman, disparu le 9 mai dernier, auquel Arthur Harari prête ses traits et sa fougue. Les bons comptes faisant les bons amis, n’oublions pas l’ACID, grande petite section qui fait de plus en plus parler d’elle, à juste titre. Neuf longs-métrages inaugurés par Laissez-moi de Maxime Rappaz, beau portrait d’une femme et mère incarnée, habitée, par la si singulière Jeanne Balibar.
La compétition officielle ouvre ce soir avec Monster de Hirokazu Kore Eda et Le Retour de Catherine Corsini, nous y reviendrons. Et le 18 mai, Tan tan tan TAN – tan tan TTTan !, l’homme au chapeau et au fouet va rendre la Croisette dingo. Dis donc, au fait, qui a réussi à trouver une place ?