Vincent doit mourir ; longue vie au FEFFS

La 16e édition du Festival Européen du Film Fantastique de Strasbourg (FEFFS) s’est achevée sur un joli palmarès, au sommet duquel trône le premier long-métrage de Stéphan Castang, le remarquable Vincent doit mourir.

Pendant dix jours, du 22 septembre au 1er octobre 2023, les salles strasbourgeoises dédiées (l’ensemble des cinémas de la ville participe désormais à l’événement) ont fait carton plein. Dehors, l’été indien ; dedans, les frissons… Toutes sections confondues, il y avait quelque soixante-dix longs-métrages à l’affiche, plus quatre programmes de courts : bravo si quelqu’un a réussi à tout voir !

Une édition par ailleurs adoubée par l’ex Monty Python Terry Gilliam, réalisateur entre autres du mythique Brazil (1985). L’artiste, fédérateur, a suscité les éloges de tous les intervenants de la cérémonie d’ouverture, avec notamment un défilé d’édiles raccordés à leur âme d’enfant qui l’ont, à de multiples reprises, invité à venir tourner son prochain film en Alsace. Le trublion de 83 ans, joyeux, cascadeur, prolixe, a également ravi le public — salle comble —  lors de sa master class.

Passé ce point d’orgue, le festival a déroulé ses habituelles belles propositions. Signalons parmi celles-ci deux-trois coups de cœur :

– C’est si surprenant et bien amené qu’on a du mal à croire que Kim’s Video soit 100% documentaire — si c’est le cas, le réel est vraiment fabuleux — mais de toute façon le film de David Redmon et Ashley Sabin est un pur délice. L’enseigne Kim’s Video était bien connue des New-Yorkais à l’ère de la VHS. Le patron de ces vidéoclubs, monsieur Kim, Coréen d’origine, avait amassé une collection extraordinaire qui, le jour où la VHS est tombée en désuétude, s’est retrouvée en dotation au fin fond de la Sicile. Les réalisateurs ont voulu voir si les promesses assujetties à ce don étaient tenues ; le début d’une incroyable odyssée !

– Le Prix du Public est presque toujours une valeur sûre, c’est le cas cette année pour Vermines de Sébastien Vaniček. Un jeune homme qui aime les vilaines bébêtes achète au marché noir une petite araignée. Il la rapporte dans son immeuble, elle s’échappe et se reproduit… Alors, certes, il y a un côté désagréable à garder les poils des avant-bras dressés pendant plus d’une heure, c’est physique, mais c’est aussi la preuve que le contrat est rempli ! Et puis, les situations de ce huis clos s’enchaînent sans temps mort et les personnages sont fort sympathiques. LE film de Noël ? Il sort en tout cas le 27 décembre 2023.

– Primé aussi (dans la section Crossovers, d’un grand niveau cette année) et encore plus « malaisant » : La mesita del comedor de Caye Casas. Un couple de quadras, parents d’un nourrisson, est en cours d’installation. Il faut une table basse pour le salon, monsieur fait un caprice et en prend une laide à mourir… On rit d’abord franchement, puis on continue à rire, car le pli est pris, mais plus ça avance et plus c’est horrible ; à la fin, on ne rit plus du tout. Implacable.  

– Et puis il y a, bien sûr, Vincent doit mourir qui s’ouvre magistralement sur le dérèglement de la vie du pauvre Vincent (Karim Leklou, génial, as usual) que les gens de son entourage attaquent (très) violemment, sans raison… Le réalisateur Stéphan Castang s’est généreusement prêté aux hasards de l’interview minutée.

Le système minuté

Il s’agit de laisser jouer le hasard. J’ai arbitrairement décidé de noter ce qui se passe aux 7’, 42’, 70’ et 91’ minutes des films et de soumettre ces moments aux réalisateurs et acteurs venus en faire la promotion. L’idée est d’être vraiment très précise dans ces descriptions afin que mon interlocuteur puisse réagir au maximum d’éléments, selon ce qui lui importe le plus (le son, les cadrages, les couleurs, etc.). Le choix des mots a son importance également et il arrive que je me fasse reprendre, c’est très bien comme ça. Chacun s’approprie l’exercice comme il l’entend, mais au final on arrive presque toujours à parler du film de manière concrète, en contournant légèrement le train-train promotionnel. On pourrait dire que le résultat est à mi-chemin entre la bande-annonce et le commentaire audio, tel qu’on en trouve sur les suppléments DVD. Par ailleurs, ces entretiens sont « neutres » : que j’aie aimé ou non les films n’entre pas en ligne de compte, il s’agit avant tout de parler cinéma, sans a priori.