Blue Jean de Georgia Oakley

Presque fière

Une jeune prof d’éducation physique cache son homosexualité dans l’Angleterre de Margaret Thatcher. Ce premier film marque la révélation fracassante d’une actrice puissante : Rose McEwen.

Elle teint en blond ses cheveux courts tout en regardant un show télévisé macho, qui malmène les femmes avec rires en boîte à la clé. Jean n’a pas l’air choquée. Ça la ferait presque rire. Et puis, on la retrouve en survêt et sifflet au bord des lèvres, prof d’éducation physique dans un collège, où elle mène à la baguette une bande de jeunes filles insolentes. Enfin, le soir, elle rejoint son amoureuse, Viv, dans un bar gay, et elle semble soudain tout à fait à l’aise. À sa place, dans son monde.

Mais voilà, hors de ce cocon où tous les autres sont comme elle, Jean ne parvient pas à assumer ce qu’elle est. La peur, la nervosité, l’angoisse, sont son lot quotidien. Dans son métier, dans sa famille – elle est brouillée avec sa mère et est à peine comprise par sa sœur et son beau-frère -, même dans sa maison, où il semble que ses voisins l’épient sans cesse. Jean vit en Angleterre en 1988, année néfaste pour les différences puisque Margaret Thatcher fit adopter un amendement prohibant « la promotion de l’homosexualité ». C’était il y a trente-cinq ans et on se croirait au Moyen Âge !

Blue Jean de Georgia Oakley. Copyright UFO Distribution.

Ce premier long-métrage signé d’une jeune réalisatrice met en exergue avec frontalité les interdits d’une époque, la difficulté à s’assumer, le poids de la société. Clivée, Jean est filmée dans des miroirs séparés en leur milieu, ou confinée dans un coin de l’écran, qu’elle ne peut pas plus habiter tout entier qu’elle n’habite sa vie tout entière.

C’est parfois un peu voyant, mais le parcours de Jean, compliqué par l’arrivée d’une jeune élève qui se met toute la classe à dos et qu’elle ne peut aider, n’en reste pas moins touchant. Les moments où Jean s’occupe avec tendresse de son petit-neveu ou ses face-à-face passionnés avec Viv (Kerrie Hayes) sont les plus forts. Et le film doit énormément à son actrice principale, Rosy Mc Ewen, nouvelle venue repérée dans Vesper Chronicles (2022). À fleur de peau, frémissante et rougissante dans les moments de honte ou de culpabilité, cette blonde diaphane est d’une présence entêtante. Elle empoigne son personnage, tremble avec elle. Et doucement, parce qu’il n’y a pas d’autre choix, fait son chemin vers la lumière.