War Pony de Gina Gammell et Riley Keough

Survivre, disent-ils

Caméra d’or au dernier Festival de Cannes, ce premier long tragique sur le sort actuel des Indiens Lakota de la réserve de Pine Ridge est d’une beauté renversante. 

Tout est terrible dans ce film qui semble redouter l’extinction future d’une petite communauté d’Indiens natifs Lakota parqués de nos jours dans une réserve du Dakota du Sud. Abandon, drogue, misère et Blancs paternalistes et racistes. Voilà quelques-uns des fléaux qui rongent et ravagent toute cette population. En particulier Bill et Matho. L’un jeune adulte, l’autre pré-ado, dont les parcours parallèles pourraient tout aussi bien être ceux d’un même personnage à deux âges différents. Mais, dans l’écriture du scénario (sans doute très autobiographique) signé Franklin Sioux Bob et Bill Reddy, dans la mise en scène bienveillante, caressante, aux aguets, de Gina Gammell et Riley Keough, il y a toute l’humanité du monde. 

Dès les premières images montrant Bill (Jojo Bapteise Whiting), casquette vissée sur la tête, cœur tatoué sous l’œil droit et éternel sourire aux lèvres, au volant de son pick-up, dont l’habitacle résonne d’une musique rock, on sent l’amour immense pour ce personnage. Et puis, des chevaux au galop le dépassent, et lorsqu’ils sont devant lui, on réalise que des cavaliers les montent. La sauvagerie domptée est l’un des sujets principaux de War Pony, qui l’évoque par son titre. Bienvenue dans la réserve de Pine Ridge. Bill vit chez sa grand-mère, il a déjà, à 20 ans et quelques, deux enfants de deux mères différentes et tout aussi jeunes que lui. Bill se réinvente sans cesse pour trouver de quoi vivre. L’arrivée sur son paillasson d’un caniche de race pourrait faire de lui un riche éleveur canin. L’aide apportée à un propriétaire blanc en panne sur la route pourrait lui rapporter du travail… et pas mal d’emmerdes. Car il entre sans le comprendre dans un trafic de femmes natives, autre fléau ici raconté.

War Pony de Gina Gammell et Riley Keough. Copyright Les Films du Losange.

Faire feu de tout bois, c’est aussi la qualité première de Matho (La Dainian Crazy Thunder), 12 ans, bouille ronde et cheveux noirs broussailleux, totalement abandonné à lui-même. Sauf quand son père, dealer de drogue, rentre à la maison et lui tombe dessus à bras raccourcis. Matho rigole avec ses copains, vend tout ce qu’il trouve et ne semble jamais atteint par rien. Lorsqu’une petite fille à qui il propose de l’embrasser répond à côté et lui demande, avisant son œil au beurre noir : « Ça fait mal ? », il répond, avec toujours l’idée du baiser en tête : « I’ll be gentle / Je serai doux ».

Les réalisatrices constatent la malédiction de tout un peuple sans jamais enfoncer leurs personnages. L’amour qu’elles leur prodiguent exalte la force qu’ils ont en eux. Et l’espoir que, peut-être, ils sortiront de cette spirale. Par deux fois apparaît à l’écran un magnifique et imposant bison. Ce représentant flamboyant d’une espèce éteinte est comme la matérialisation de la volonté des personnages de survivre, eux. War Pony est un beau grand (premier) film sur la résistance et la résilience.