L'interview minutée de Joachim Lafosse

Un Silence

Après un long trajet en voiture, Astrid (Emmanuelle Devos) s’arrête finalement au commissariat pour y être auditionnée. Quelque chose s’est manifestement très mal passé… Retour en arrière : Astrid, épouse d’un avocat en vue (Daniel Auteuil), mère d’une grande fille (Louise Chevillotte) et d’un adolescent (Matthieu Galoux), avance dans la vie, impeccable et efficace. Mais avec une lueur de panique et de honte au fond des yeux.

Au micro de l’interview minutée, Joachim Lafosse, réalisateur de Un Silence, évoque justement le travail sur les regards de ses personnages, qui laissent affleurer leur intériorité. Le film s’inspirant d’un fait divers belge, Joachim Lafosse distingue l’écriture cinématographique de celle de la presse, et la façon dont cela se traduit à l’écran – notamment par l’usage des bords de cadre. Il dit aussi comment cette trajectoire vers la sortie du silence fait écho à l’un de ses précédents longs-métrages, Élève libre, dont la réception, à l’époque, fut d’une grande violence pour lui : « Parler, dire, a des conséquences ».  La société est-elle, désormais, durablement prête à évoluer vers une meilleure écoute ?

Le système minuté

Il s’agit de laisser jouer le hasard. J’ai arbitrairement décidé de noter ce qui se passe aux 7’, 42’, 70’ et 91’ minutes des films et de soumettre ces moments aux réalisateurs et acteurs venus en faire la promotion. L’idée est d’être vraiment très précise dans ces descriptions afin que mon interlocuteur puisse réagir au maximum d’éléments, selon ce qui lui importe le plus (le son, les cadrages, les couleurs, etc.). Le choix des mots a son importance également et il arrive que je me fasse reprendre, c’est très bien comme ça. Chacun s’approprie l’exercice comme il l’entend, mais au final on arrive presque toujours à parler du film de manière concrète, en contournant légèrement le train-train promotionnel. On pourrait dire que le résultat est à mi-chemin entre la bande-annonce et le commentaire audio, tel qu’on en trouve sur les suppléments DVD. Par ailleurs, ces entretiens sont « neutres » : que j’aie aimé ou non les films n’entre pas en ligne de compte, il s’agit avant tout de parler cinéma, sans a priori.