Averroès et Rosa Parks de Nicolas Philibert

Ensemble, c’est tout !

Ce deuxième volet du triptyque entamé avec Sur l’Adamant nous entraîne dans des conversations soignants-soignés à l’hôpital psychiatrique d’Esquirol. Vertigineux et follement humain.

Filmés de front en plan américain, ils plongent leurs yeux dans la caméra et dans ceux de leurs interlocuteurs, les médecins du CMP qui les écoutent en contrechamp. Ces yeux, ce sont aussi les nôtres. Ces hommes et ces femmes parlent. Et l’on est envahi par leurs mots, leur détresse, leur trop-plein, leur agressivité ou leurs certitudes. Les vérités qu’ils assènent sont autant de chemins vers ce qu’ils sont, vers ce qu’ils vivent. Ils sont les patients de l’hôpital psychiatrique d’Esquirol, dont l’une des unités se nomme Averroès et l’autre Rosa Parks. Averroès était philosophe et aussi médecin, au XIIe siècle. Rosa Parks, activiste et symbole de la lutte pour les droits civiques aux États-Unis, exerça de nombreux métiers, dont aide-soignante. Le titre du film renvoie à ces deux symboles de la multitude complexe qui compose un être.

Nous ne sommes pas qu’une seule identité. Nous sommes la somme de milliers d’occurrences, de résultantes, de conséquences. Nous sommes multiples. Et les hommes et les femmes que regarde ici Nicolas Philibert le sont, ô combien. La folie qui les traverse n’est qu’une partie de ce qu’ils sont. Le réalisateur filme la parole et l’écoute. Et c’est essentiel.

Après Sur l’Adamant, qui se passait dans une unité d’hôpital de jour, une péniche où allaient et venaient des patients pour connaître une alternative aux murs carrés des institutions, ce deuxième volet revient dans ce cadre plus strict. Certains patients, d’ailleurs, s’en plaignent, évoquent l’impossibilité de respirer. D’autres en ont besoin, comme d’un refuge.

Inutile d’avoir vu le premier film pour être happé, bouleversé, par celui-ci. Mais reconnaître des visages, voir comment ces hommes et ces femmes qui nous ont été présentés dans Sur l’Adamant, est assurément un élément supplémentaire pour les voir mieux, les entendre mieux. Une étonnante fraternité se tisse d’un film à l’autre et d’eux à nous. C’est dérangeant, émouvant. Follement humain.