Joe

Un père, défraîchi et alcoolisé, et un fils, 15 ans et aux aguets, sont assis face à face sur les rails d’une voie ferrée. La tension monte et la violence paternelle éclate. Le jeune Gary tremble malgré la rébellion. Le ton de Joe est donné. Cette adaptation du roman éponyme de Larry Brown explore un Texas inédit. Celui des journaliers, des SDF, des laissés-pour-compte. Par la société. Par le cinéma aussi. L’éclectique David Gordon Green a choisi de les filmer. Dans sa veine réaliste de L’Autre Rive et Prince of Texas, il chante une Amérique décrépie et sans grand espoir, et un monde où tous les coups sont permis. C’est un récit âpre, rugueux, tranchant, qui regarde la cruauté dans les yeux. Heureusement, l’altruisme perce au milieu du marasme et des arbres que Joe et ses ouvriers abattent. Dans la peau du loser promu sauveur, Nicolas Cage trouve un rôle plus épais et moins monolithique que ceux des séries B qu’il enchaîne avec stakhanovisme, et retrouve aussi l’alcool, qui le mena à l’Oscar avec Leaving Las Vegas de Mike Figgis. Il fait passer une émotion brute de décoffrage et assume la bienveillance qui fait fondre Joe pour l’ado esseulé qui mérite un avenir meilleur que le sien. Surnage aussi le jeune Texan Tye Sheridan, qui continue d’affirmer sa présence juvénile dingue, où la détermination épouse la trouille au ventre. Il s’impose après The Tree of Life de Terrence Malick et Mud de Jeff Nichols comme le nouveau visage clé du cinéma made in USA.