Aubagne 2019 : la playlist idéale #4

Selma Mutal

Le tourbillon de la vie au territoire de Pagnol : autour du 20e festival d’Aubagne, cinéma et musique.

Cette semaine : la playlist, quelques notes et mots de Selma Mutal

 

Selma Mutal compose pour le cinéma, la danse et la télévision après des études au Conservatoire d’Amsterdam et à l’École Normale de Musique de Paris. Elle compose la musique de nombreux longs-métrages, dont The Milk of Sorrow de Claudia Llosa (Ours d’or au Festival de Berlin et nommé aux Oscars en 2010), Contracorriente (2011) et The Vanished Elephant de Javier Fuentes-Leon (2014) et, dans le domaine du jeu vidéo, Blockhood (2016) de José Sanchez. En 2013, le Festival International du Film d’Aubagne lui a confié la direction de la master class de composition pour l’image, une raison supplémentaire de lui poser quelques questions sur son métier et l’avenir de sa profession.

Selma Mutal

 


Une scène effrayante


Une scène mélancolique 


Une scène héroïque


Une scène enjouée


Une de vos compositions qui vous vient spontanément à l’esprit

 

La composition en quelques mots

Il y a eu un focus sur les compositrices au Festival International du Film d’Aubagne. Est-ce que cela a de la valeur pour vous ?

C’est à double tranchant, dans le sens où définir un groupe de compositrices à cette occasion, c’est un peu les mettre à part. Un peu comme s’il venait à l’idée de constituer un groupe de compositeurs uniquement masculin. Mais d’autre part, c’est vrai qu’il y a un problème, non pas de reconnaissance, mais de visibilité pour ces femmes. Il y a des compositrices, il faut le dire. Par conséquent, il faut passer par le stade de les signaler et je ne suis pas sûre que cela serve vraiment à long terme…

Que pensez-vous de l’évolution des technologies musicales et quels conseils donnez-vous à de jeunes compositeurs ? Pour un ancien compositeur comme Trevor Jones, par exemple, l’utilisation de samples, qui permet une certaine démocratisation du métier de compositeur, ne pourra jamais parvenir à l’émotion d’un véritable coup d’archet…

Je suis d’accord avec lui, car ce qui est « organique » va exprimer plus d’émotion. D’ailleurs, quand on me demande de travailler avec des cordes, je précise immédiatement les choses en parlant de cordes « acoustiques ». Sans traiter du cas d’une musique illustrative placée sous une voix off, il n’est pas question pour moi de travailler généralement avec des cordes « synthétiques ». J’utilise des samples pour établir des maquettes, mais pas pour finaliser une musique pour le cinéma. Certaines banques de sons très élaborées sont très pratiques et c’est très bien qu’elles soient à notre disposition. Mais si vous voulez être professionnel, vous êtes censé savoir exactement ce que vous êtes en train de faire, ce que vous voulez et ce que vous êtes en train de reproduire. Si vous visualisez un type d’orchestre et qu’avec des samples vous l’avez à disposition, tant mieux. Si vous ne l’avez pas, alors cela devient un véritable problème. Je vais être simpliste : c’est un peu comme le chauffeur d’un taxi qui a une licence et un métier. Et puis, face à lui, voici l’arrivée du conducteur Uber : je suis favorable à 100 % à ce que le conducteur d’Uber puisse travailler (et c’est là que cette démocratisation peut permettre aux jeunes d’imaginer en faire un métier). Mais pour que cela soit réellement un métier à long terme, pour que les choses durent, ces possibilités doivent être obligatoirement adossées à la connaissance. Or la connaissance, ce ne sont pas des machines qui vont vous la donner… Je suis pour la reproduction d’une connaissance.

Beaucoup de jeunes et les publics regardent des images sur des supports différents. Vous évoquiez l’authenticité des cordes pour le cinéma : est-ce que la projection de cinéma a pour vous une valeur particulière ?

Je ne crois pas que ce soient forcément les supports qui sont en question. J’ai eu les mêmes exigences avec des documentaires pour lesquels j’ai travaillé et je savais qu’ils allaient passer à la télévision avec une compression sonore qui est beaucoup plus importante qu’au cinéma, avec en plus de nombreuses voix off par dessus les images. Pour ce qui est du cinéma et quand je parlais de « cordes acoustiques », j’ajoute que c’était aussi la volonté du réalisateur. Et il ne faudrait pas non plus oublier les questions importantes des moyens financiers qui se rajoutent aux choix esthétiques dans le cadre d’un projet. Néanmoins, de par l’espace de la salle de cinéma et un système sonore calibré en 5.1., cela ne pardonne pas : encore une fois, ces choses viennent de la connaissance et d’un savoir-faire qui est nécessaire pour durer.