Sarah préfère la course

Elle n’a pas la flamboyance pop de Xavier Dolan. Pas plus que la douceur rêveuse de Stéphane Lafleur ou le sens de l’abstraction de Denis Côté. À 25 ans, Chloé Robichaud n’en reste pas moins l’un des espoirs les plus singuliers et enthousiasmants du jeune cinéma québécois. Présenté à Un certain Regard en 2013, Sarah préfère la course n’a en effet pas l’arrogance de ces premiers films-chiens fous qui balaient tout sur leur passage. Mais il a la timidité des débutants, la délicatesse de ceux qui arrivent sans vouloir trop déranger, percé tout de même de quelques moments saisissants de hardiesse poétique et esthétique. Une scène poignante de karaoké en crescendo sentimental, une autre de sexe en cuisine, maladroite et hilarante… Le destin de Sarah, jeune coureuse de demi-fond rejoignant une université montréalaise pour y perfectionner son art en acceptant un mariage de raison pour financer son rêve, se joue en demi-teintes, explorant avec finesse toutes les nuances de gris, du plus mélancolique au plus amusant. Qu’importent alors les abus de plans de nuques ou la direction photo un rien tristounette. Qu’importent les maladresses. Car, dans ce premier film, s’exprime d’abord et avant tout un regard. Une compréhension tendre mais sans complaisance de ce personnage étrange qu’est Sarah – et que nous sommes tous – dont la ravissante Sophie Desmarais traduit à merveille les gênes et les malaises. Sarah préfère la course n’est pas un film de sprinteuse. Il est le film d’une cinéaste dont nous savons déjà qu’elle ira loin. Et qui, logiquement, ménage encore sa monture.