The Florida Project

Fabuleuse Floride

Dévoilé à la Quinzaine des Réalisateurs cette année, The Florida Project confirme tout le bien que l’on pouvait déjà penser de Sean Baker.

Les dépliants touristiques ne les montrent jamais. Ces boutiques cheap où acheter des billets et souvenirs à prix réduits. Ces motels roses, jaunes et violets dont les couleurs il y a longtemps pimpantes ne cachent plus les murs lézardés et les balcons de guingois. C’est pourtant là, en périphérie du parc Walt Disney en Floride, que vit Moonee, 6 ans, avec sa jeune mère Halley. Mais pour la petite fille, il n’y a rien là pour entamer sa joie. Elle a ses amis. Elle est dans son monde. Celui où elle ne voit pas les loups qui rôdent.
Lui aussi comme en périphérie de la gloire factice d’Hollywood, filmant sur les côtés, en toute indépendance, Sean Baker construit tranquillement une œuvre. Starlet, Tangerine, The Florida Project… la cohérence est indéniable. Et elle se voit partout. Dans cette mise en scène, souvent à l’épaule, dont les mouvements fébriles captent, avec une sensibilité et une énergie folles, la vie sur le qui-vive de tous ces laissés-pour-compte. Dans ces couleurs fluo et ces néons comme des claques insolentes à la misère. Ou, surtout, dans ce refus clair et net de tout misérabilisme, de toute complaisance, de tout moralisme.

Avec ses personnages, et nous aussi : voici la position de Baker. Les deux pieds dedans. La caméra toujours braquée dans le bon sens, à la bonne distance. Une position généreuse, tendre, qui sait rendre ses personnages attachants, et plus grands que nature. Mais le regard de Baker est lucide aussi. Car, si dans Tangerine, il réinventait Cendrillon sauce prostitués transsexuels pour mieux réécrire le conte, dans The Florida Project, c’est tout l’univers Disney qu’il confronte, son mercantilisme, son rêve en boîte qu’il enfonce dans la gorge de tous ceux qui s’approchent.  Et à la joie inquiétante de Disney, le cinéaste oppose, avec panache, le trash lumineux des enfants de la marge. Nécessairement, le choc est bouleversant.
D’autant que ce diable de scénario tisse sa toile pour réussir un crescendo dramatique hallucinant se concluant sur l’une des séquences finales les plus crève-cœur des dernières années, filmée sur un iPhone en toute illégalité dans le parc d’attractions.
Intelligent et empathique, vif et incarné (notamment par les magnifiques Brooklyn Kimberly Prince et Bria Vinaite, ou par William Dafoe, superbe, en manager de motel au bon cœur, mais qui ne peut rien de plus que ce qu’il peut), The Florida Project est tout simplement un film qui a du cœur. C’est assez rare pour le souligner.