Avec Le Voyage de Lila, histoire d’un personnage de livres pour enfants dont l’univers est menacé par l’oubli, la réalisatrice Marcela Rincon Gonzales signe avec grâce le premier long-métrage d’animation colombien porté par une femme.
Lila est un personnage de livre pour enfants. Son occupation favorite : écouter le chant des bambous de sa forêt. Un jour, son univers est kidnappé par un oiseau de l’oubli. Pour le retrouver, elle doit remémorer à son lecteur Ramon son existence et avec son aide, aller chercher le livre jaune au désert des souvenirs perdus…
Lila tombe d’un arbre et se croit perdue. Elle ne trouve plus le jardin de la joie où elle aime courir. La rivière aux mille couleurs a disparu. Où sont les bambous sur lesquels elle appuie le creux de son oreille ? Lila se pense seule au monde. En vérité, sans le savoir, elle suit le chemin d’une lignée de personnages et d’histoires qui ont bravé avant elle les dangers de l’oubli et affronté les soubresauts des imaginaires et des espaces- temps.
Un tourbillon l’emmène dans la forêt de la Mémoire et chez les humains. On songe à Alice chutant dans le terrier du lapin et Dorothy visitant le pays du magicien d’Oz. Et lorsqu’un peu plus tard, Lila cherche celui qui peut lui donner vie pour faire perdurer l’histoire de son personnage, ce postulat évoque Le Tableau, film d’animation de Jean-François Laguionie sorti en 2011. Pour réussir sa mission, Lila doit affronter des corbeaux rapaces, voleurs de livres et d’existences. Ici, le dessin marqué d’une gueule blanche sur un pelage noir rappelle un autre personnage de l’animation : le Sans-Visage au masque de nô du Voyage de Chihiro réalisé par Hayao Miyazaki.
Le Voyage de Lila fait honneur à la culture du souvenir et de la vie éternelle propre à l’Amérique latine. L’année dernière, c’était le long-métrage d’animation Pixar, Coco, qui mettait magnifiquement en lumière la façon dont les Mexicains donnaient chair à leurs proches décédés par l’amour et le souvenir. Les deux films explorent une même vision du monde. Celle-ci ne s’arrête ni à la frontière du continent sud-américain, ni à celle de l’âge de raison. En réalité, leur regard exhorte et révèle le pouvoir créateur des mots, des souvenirs et de l’imaginaire.
C’est par l’imaginaire que Lila retrouve son lecteur et visite d’autres univers que le sien. C’est en retrouvant la joie du souvenir perdu enfin remémoré que Ramon change ses habitudes casanières et part à l’aventure. Avec Le Voyage de Lila, Marcela Rincon Gonzales ne renouvelle pas le genre, mais ses personnages sont attachants et ses dessins harmonieux. Les passionnés de Colombie renoueront ici avec une culture et des décors chers.
Critique : Hélène Robert