Revoir chez soi quelques pépites du Festival Lumière

Si le souvenir du Festival Lumière de Lyon, l’un des rares en 2020 à s’être tenu malgré tout, semble déjà lointain en ces temps de reconfinement, certaines des précieuses (re)découvertes de cette édition peuvent heureusement se faire aussi depuis chez soi. Pour lutter contre la morosité, Bande à Part vous propose une petite sélection de quelques pépites labellisées Festival Lumière 2020….

 

Stella, femme libre de Michael Cacoyannis (1955)

Quelques années avant que François Truffaut ou Jean-Luc Godard ne tournent dans les rues de Paris leur premier long-métrage, la Grèce avait déjà sa Nouvelle Vague. C’est en tout cas ce que l’on peut penser en découvrant Stella, femme libre, deuxième film de Michael Cacoyannis, auteur près de dix ans plus tard du classique Zorba le Grec (1964). C’est aussi le premier rôle au cinéma de Melina Mercouri, à qui le Festival rendait hommage. Et quel rôle ! Héroïne de tous les plans, on comprend aisément pourquoi elle s’est si vite retrouvée propulsée devant les caméras britanniques et internationales de Joseph Losey (Gipsy, 1958), et bien sûr de Jules Dassin, dont elle fut l’égérie et la compagne, et avec qui elle tourna huit films. Dans ce portrait libertaire d’une femme résolument indépendante, Michael Cacoyannis emprunte aussi les codes de la tragédie grecque. Un film en forme d’annonce de ce qu’aurait pu être, vingt ans avant Theo Angelopoulos, ce nouveau cinéma, s’il n’avait pas été stoppé net par la dictature des colonels.

En VOD sur La Cinetek.

Le Troisième Homme de Carol Reed (1949)

Il est des classiques qui restent toujours modernes. Si le Festival Lumière est le lieu des découvertes, il est aussi celui des redécouvertes, et des premières fois. Et la première fois qu’on a vu Le Troisième Homme sur grand écran est une date mémorable. La section « grands classiques en noir et blanc » du Festival est l’occasion de ces événements, paradoxalement pas si fréquents dans une vie de cinéphile. Œuvre matricielle du film noir, Le Troisième Homme est un long-métrage de légende, fusionnant dans sa mise en scène la maîtrise d’un Casablanca et l’originalité baroque de l’expressionnisme allemand – genre de cette si récente et pourtant lointaine avant-guerre, à laquelle Carol Reed rend hommage. Ajoutez à cela le charisme mystérieux et éternel d’Orson Welles, ce décor surprenant et énigmatique d’une Vienne internationale, découpée entre pays vainqueurs, où se côtoient ruines fumantes et monuments d’architecture impériale, et les célèbres accords à la cithare d’Anton Karas, et voilà un chef-d’œuvre qu’on ne se lasse pas de redécouvrir.

Version restaurée 4K, en vidéo chez StudioCanal, et sur toutes les plates-formes de VOD

On the Rocks de Sofia Coppola (2020)

Après avoir présenté en avant-première quelques films Netflix très attendus (Roma d’Alfonso Cuaron (2018) il y a deux ans, et The Irishman de Martin Scorsese (2019) l’an passé), le Festival Lumière invitait cette fois-ci le premier grand film de la nouvelle plate-forme Apple TV+. Plus drôle et enlevé que les précédents films de Sofia Coppola, On the Rocks est un portrait simple et touchant, sur fond de comédie de mœurs, de la relation entre une fille et son père. Une sorte de Somewhere (2010), trente ans plus tard (la fille a la quarantaine et le père 70 ans, contre 10 et 35 ans dans Somewhere), interprété par des comédiens magistraux, Rashida Jones et Bill Muray. Un film qui fait du bien, comme un cocktail léger avec glaçons, dont on a bien besoin par les temps qui courent.

Disponible sur Apple TV+

Submarino de Thomas Vinterberg (2010)

À l’occasion de la sortie de son dernier film, Drunk (2020), le Festival Lumière consacrait au cinéaste danois une rétrospective. Et à y regarder de plus près, on avait oublié Submarino dans la filmographie de Thomas Vinterberg, face aux monuments Festen (1998) et La Chasse (2012). Et pourtant, comme le confiait le réalisateur à l’occasion d’une master class, c’est son film préféré. Le plus personnel aussi, tourné dans un moment de profonde déprime, alors qu’il se sentait abandonné de tous. Si ce film fut sa thérapie, Vinterberg semble avoir donné, dans ce récit de deux frères aux destins tragiques, tout ce qu’il pouvait d’idées noires et de défiance envers l’humanité. En somme, un film qui rend triste comme les pierres. Mais d’une tristesse sans crainte ni mélancolie. Un vrai chagrin purifiant.

En vidéo chez MK2 et en VOD