Play it again, Germaine ! J8

Un coup de Chance

Arrivés à ce stade effarant des non résultats des élections américaines, il faudrait une intervention d’ordre supérieure… Au bas mot, un coup de pouce du Père Noël qui apporterait en avance et dès ce soir dans sa hotte les 20 Grands Électeurs de Pennsylvanie au camp démocrate. Ou alors un film qui nous emmènerait ailleurs pour quelques heures suspendues. Les fables sur le pouvoir sont bienvenues par les temps qui courent… Et justement, Bienvenue Mister Chance de Hal Hashby, sorti en 1980, a tous les atouts nécessaires. Play it again, Germaine ! Voici une œuvre délicate et étrange qui, sans vociférer, traite de son temps et résonne toujours très fort quarante ans plus tard.

À Washington, un homme simple, jardinier de son état, quitte la maison dans laquelle il a vécu toute sa vie. Recueilli tout petit, ne sachant ni lire ni écrire, il a grandi en dehors du monde, qu’il ne connaît qu’à travers la télévision. C’est un enfant dans un corps d’adulte. Sur le mur lépreux du ghetto noir, quartier miséreux qu’il traverse, on peut lire le graffiti : « L’Amérique ne vaut rien car l’homme blanc se prend pour Dieu ». Mais, un peu plus loin vers le Capitole, les quartiers sont huppés, et les limousines y sont légion. L’une d’elles, transportant la riche épouse d’un financier et conseiller du Président des « États-Unis, le prend à son bord. Deux Amériques, donc…  Chance, avec son long manteau élégant, son parapluie et son chapeau gris, son parler rare, son phrasé lent et ses métaphores végétales et météorologiques devient une sorte d’homme providentiel. Dans ce monde déphasé où les discours politiques patinent, tous se raccrochent à des phrases du style : « Tant que les racines n’ont pas été lésées, tout va bien et tout ira pour le mieux dans le jardin. » 

Peter Sellers, impayable inspecteur Clouseau de la série des Panthère rose et inoubliable Docteur Folamour est de tous les plans : avec son air de clown triste et sa voix étrange venue d’ailleurs, il est tout simplement prodigieux. Adapté de son propre roman par Jerzy KosinskiBienvenue Master Chance est un baume, à la fois doux et cruel, profond et apaisant.