Lulu femme nue

Du beau roman graphique d’Etienne Davodeau, Solveig Anspach et son coscénariste Jean-Luc Gaget ont gardé la trame : l’échappée belle d’une femme qui, se voyant refuser le boulot qui aurait pu lui permettre de sortir de chez elle, décide de ne pas rentrer. Laissant son mari garagiste et ses trois enfants, elle fait le foyer buissonnier, prend une chambre d’hôtel au bord de la mer et se retrouve avant de comprendre qu’elle s’était perdue. Comme dans Haut les cœurs !, magnifique premier long-métrage de Solveig Anspach, ou récemment le délicieux The Queen of Montreuil, Lulu est une héroïne qui s’ignore. Une femme forte, même si elle n’en a pas conscience. Et ce sont, une fois encore, les autres qui vont le lui rappeler. Elle croise un homme tendre, une vieille dame indigne, une jeune fille malmenée et redécouvre à travers eux l’amour, l’amitié, la fantaisie, l’entraide. Dans des paysages larges aux teintes hivernales, Anspach, au plus près de ses personnages, dit la force des faibles, la grandeur des petits riens, la nécessité du partage. Karin Viard trouve ici un rôle dense et complexe comme elle n’en avait pas eu depuis Polisse. Le voyage intérieur de Lulu donne au film son mouvement et sa logique. Ce bilan d’une quadra avant qu’il ne soit trop tard a quelque chose d’irréel et d’ancré : la rencontre entre le merveilleux et le quotidien distille l’espoir. La possibilité d’un renouveau.