True detective

L’anti-Experts

C’est la série remarquable de ce début d’année. True Detective de Nic Pizzolatto, produite en huit épisodes pour HBO et diffusée sur OCS City, s’enracine en Louisiane et suit l’enquête de deux inspecteurs de police marginaux autour du meurtre ritualisé d’une jeune femme dans les années 1990. Au coeur de ce polar hanté, Matthew McConaughey et Woody Harrelson irradient d’intensité.

Une lumière jaune, lourde. La chaleur qui s’installe et qui ralentit les corps. Et, immanquablement, les enquêtes. True Detective, c’est une anti-thèse des Experts et autres NCIS qui occupent le petit écran d’aujourd’hui. C’est la lenteur et les personnages qui font tout le sel de cette histoire et non le coup de théâtre qui va permettre d’élucider un crime. C’est d’ailleurs une affaire non résolue qui va nous faire entrer dans cette histoire, et dans la vie de deux détectives, Rust Cohle et Martin Hart. Respectivement Matthew McConaughey et Woody Harrelson, au sommet de leur art. Deux enquêteurs au caractère on ne peut plus différents, aux méthodes pas toujours traditionnelles et aux passés liés par un meurtre, en 1995. Deux enquêteurs qui se retrouvent ensemble, en 2012, sur un autre meurtre qui semble lié au premier.

La construction est simple : Rust et Marty sont aujourd’hui interrogés séparément par des « collègues » très pros qui tentent de trouver une faille dans leur travail passé. Ils ne sont plus que les ombres des hommes et des policiers qu’ils étaient encore quelques années auparavant, en particulier Rust qui s’est laissé grandement aller, alors que Marty s’est rigidifié. Rust avec son cahier sur lequel il notait tout, Marty avec ses soucis de famille… Les deux hommes ont vraisemblablement été marqués à vie par l’enquête qu’ils menaient. Une enquête mise en images qui les a menésdans tous les coins de la société texane qui abritait ce qui semble être un serial killer. On les retrouve dans un « trailer park » glauquissime qui abrite des femmes de petite vertu, dans des salons pas beaucoup plus propres de la « middle class » américaine et même au sein d’une communauté évangélique menée par un prêcheur surexcité. Le tout dans un monde qui semble paisible au possible et qui contredit les élucubrations de Rust et Marty, qui parlent beaucoup, de l’enquête, mais aussi de philosophie, de la vie, de leur vie…  Leurs points de vue sont souvent irréconciliables et permettent au spectateur de « participer » à la discussion, toujours posée sur un ton calme et efficace.

Si la série impose son rythme, elle est surtout, dès ses premières images, un écrin sur mesure pour deux très grands acteurs, mis en scène avec élégance et brio, souvent plongés au cœur d’une nature trop grande pour eux. Deux monstres du cinéma qui s’entendent à merveille, cela se sent, et qui mettent leur talent au service d’une histoire qui s’avère vite hypnotique, laissant le spectateur accro face à ces huit épisodes devenus indispensables.