Du coq à l'âne

La Belle Équipe de Julien Duvivier

Un film en appelle un autre, et puis un autre et un autre encore. Parfois, le lien est direct (sujet, acteur, metteur en scène), mais le jeu est bien plus amusant si le rapport est ténu, lointain ou ponctuel (un dialogue, un thème musical, un personnage ou une scène qui résonnent en écho), voire tiré par les cheveux (titre approchant, référence souterraine). Essayez, c’est ludique et joyeux, ça pourrait ne jamais s’arrêter, c’est du bonheur garanti.


Sorti le 17 septembre 1936, La Belle Équipe a 80 ans, comme le Front populaire et ressort en copies neuves ce mercredi 6 avril.  Découvrez trois autres films que sa vision appelle irrésistiblement… en un coq à l’âne cinéphile
et joyeux

 


LA BELLE EQUIPE

• De Julien Duvivier •


 « On a gagné ! À nous la belle vie, le caviar et les morues ! », c’est ainsi qu’un des cinq copains fait retentir sa joie d’avoir touché le gros lot à la loterie. Écrit par Duvivier et Charles Spaak, La Belle Équipe est une ode au monde ouvrier, qui parle de chômage et d’entraide, de chaleur et de solidarité. Mais Duvivier était un pessimiste, et la tragédie n’est jamais loin (la femme fatale, belle et garce, non plus) : il tourna une fin tragique, puis, à la demande de ses producteurs, une autre, plus optimiste, qui a longtemps accompagné la copie, y compris le DVD édité par René Château. La Belle Équipe, version restaurée récupère sa conclusion originale (mais pour ceux qui enregistrèrent jadis le ciné-club de Patrick Brion, il y a quelque chose d’éternel à visionner les deux fins). Ce chef-d’œuvre fleure bon son époque et reste indissociable de la chanson « Quand on s’promène au bord de l’eau » , écrite pour le film et entonnée par Gabin, la casquette sur l’œil, la clope au bec et la gouaille en bandoulière.


À LA VIE, À LA MORT !

• De Robert Guédiguian •


Au Perroquet Bleu, petit cabaret décati des bords de mer à Marseille, Joséfa, strip-teaseuse vieillissante, s’effeuille sans plus y croire. Marie-Sol voudrait des tas d’enfants, son mari Patrick est au chômage, comme son frère José, comme leur meilleur ami Jaco. Ils se serrent les coudes et se serrent tout court, à chaque mauvais coup du sort : communauté bringuebalante mais debout, famille de sang, famille de cœur. Robert Guédiguian, pour son sixième film et avec ses comédiens fétiches (Ariane Ascaride, Gérard Meylan, Jean-Pierre Darroussin), se souvient de La Belle Équipe et des grands films populaires qui avaient pour héros des ouvriers. Pour raconter les petits, les obscurs, les sans-grade qui dérouillent et se battent, il ose tout : une cueillette d’oursins qui devient déclaration d’amour, une pagnolade autour de l’hypothèse d’une grossesse illégitime, une crèche vivante et une veillée mortuaire au son de Ay Carmela (El Paso del Ebro), chanson révolutionnaire espagnole. On rit, on pleure. Tous ensemble.


LE LAURÉAT

• De Mike Nichols •


« And here’s to you, Mrs Robinson, Jesus loves you more than you will know ! Hey hey hey ! » C’est une chanson et c’est un film. Lorsque s’élèvent les accords de guitare et les « Dee Dee-dee-dee-dee » de Simon and Garfunkel, on pense immanquablement à Dustin Hoffman, alias Benji, héberlué devant les assauts de séduction de sa belle mère, Mrs Robinson (Anne Bancroft, forever) dans Le Lauréat de Mike Nichols. Normal, la chanson a été écrite pour le film. Les deux sont indissociables, comme la ritournelle de Jean Gabin et La Belle Équipe. Hey hey hey !


La BELLE NOISEUSE

• De Jacques Rivette •


Catapultage de DVD classés sur l’étagère, La Belle Équipe côtoie La Belle Noiseuse. Rien à voir ? Ce n’est pas grave. Rivette adapte librement Le Chef-d’œuvre inconnu de Balzac et évoque la vie et la création, les rapports du peintre avec son modèle, de l’image créée et de la réalité. Il fait du cinéma, et parle de cinéma. Avec trois belles comédiennes – Emmanuelle Béart, Jane Birkin, Marianne Denicourt – et un monstre sacré, Michel Piccoli.