L'Hermine

La rectitude des choses

Christian Vincent assouplit avec des sentiments la vie d’un homme de droit, raide et froid. C’est Fabrice Luchini, magistrat compassé.

L’Hermine de Christian Vincent : À voir ce soir à 20h45 sur CINE+ PREMIER

C’est un drôle d’endroit pour une rencontre. La cour d’assises est le lieu des affaires criminelles et de leur jugement. Ses procès et débats y racontent des pauvres tragédies humaines et des horreurs insoutenables.

Il fallait de la hardiesse dramatique à Christian Vincent pour envisager de loger ici une fortuite histoire d’amour entre un magistrat et une jurée, Fabrice Luchini et Sidse Babett Knudsen, une femme dont il avait croisé la route, quelques années plus tôt, sans que naisse, à ce moment-là, une relation. Il fallait croire aux lois flexibles du grand romanesque en tous lieux et toutes circonstances, pour dépasser la raison de l’improbable. Il fallait se sentir libre, dans l’exactitude du film de prétoire, le réalisme scrupuleux d’un procès pour infanticide dont est accusé l’homme du film, dans le Nord, à Saint-Omer.

Collé au réel de la conduite d’un procès d’assises, strictement ordonnancé et ritualisé, le metteur en scène rend ce romanesque crédible et légitimé.

Christian Vincent retrouve Fabrice Luchini, qu’il avait dirigé déjà dans La Discrète. En juge intransigeant et mal-aimé, président de cour d’assises à l’âme glacée, à la sévérité notoire, connu pour ses condamnations à des années de détention à deux chiffres, le comédien impressionne, subtil monstre froid et dépressif, surpris par un amour qui le rendra lumineux, plus humain, moins brutal. La Mostra de Venise a salué son jeu rigoureux, nuancé et ténu ­– il n’est jamais aussi intéressant que quand il se défait de tout excès –, le récompensant du prix Volpi du meilleur acteur.

Fabrice Luchini s’appelle Racine, nom de tragédien sur le théâtre classique du réel du procès. Les historiens s’en souviennent, à une tragédie antique remonte la naissance du procès pénal : Athéna, dans les Euménides, institue un tribunal humain, un aréopage de bons citoyens, pour juger Oreste, meurtrier de sa mère Clytemnestre. Sur la scène contemporaine de L’Hermine, avec ses costumes judiciaires, toute une humanité s’avance à la barre. Peu importe la manière dont ces témoins détermineront ou pas l’issue des débats : leurs visages inconnus ressemblent à la vie. Ce cinéma a quelque chose de familier.