On ira tous au cinéma !

22 juin, l'éternel retour

Il fait sombre, mais pas trop. Immédiatement, quelque chose dans l’air vous accueille, vous réconforte, vous emporte. Bruissements de mots chuchotés, de vêtements ôtés, de magazines feuilletés.

Fendre l’allée de fauteuils de velours rouge ou bleu, avec l’écran géant en ligne de mire. Déjà une bande-annonce, celle d’une comédie où s’ébat un acteur connu, tandis qu’un titre écarlate emplit tout l’espace, happe votre attention.
Trébucher, peut-être, sur le sac d’une dame.
– Pardon
– C’est moi…
Jadis les ouvreuses vous évitaient ce ridicule. Mais qui se souvient encore des ouvreuses ? Et des écrans de province sur les rideaux desquels les commerçants locaux apposaient des vignettes souvent vertes ou jaunes, avec leur nom, leur raison sociale et un slogan délicieusement suranné (« Chez Raymond, tout est bon ») ? Qui se souvient des entractes ? Et du petit bruit de frottement de la caisse en osier portative arborée par un monsieur en chemise blanche et cravate, où vous guigniez, enfant, les caramels, bonbons et chocolats, inaccessibles une fois le prix du billet honoré ? Du coup – jalousie pure ? -, ça vous a toujours énervée que les autres mangent dans le noir. Ça vous énerve toujours, d’ailleurs…
Mais vous voilà partie en vrille et en nostalgie.
Retour au présent.
S’asseoir à SA place, toujours à peu près la même.
Elle est prise. Demi-sourire. C’est ennuyeux, mais si doux finalement de se dire que lui aussi, assis là, et que vous ne connaissez pas, partage vos manies, vos obsessions. Qu’il aime ce que vous aimez, en somme… Tant pis, vous translatez, un œil sur l’écran, pour vous assurer que la distance sera tout de même la bonne, celle qui de vous à l’image annihilera la distance justement et créera la fusion, l’immersion, l’adhésion.
Se poser, dos et fesses, nuque et mains, assise, dossier et accoudoirs. Tiens, le fauteuil est un peu raide. Lui aussi a perdu l’habitude. Trois mois, c’est si long. Tenter celui d’à côté. Même gymnastique. Accoudoirs, dossier, assise, mains et nuque, fesses et dos… Un frisson vous parcourt.
Ça y est, vous y êtes. Vous y êtes bien. Un sourire vous échappe, comme le nom de l’actrice qui est maintenant sur l’écran dans ce drame gai qui sortira la semaine prochaine.
Vous êtes prêt. Pour le grand voyage, le looping, le bouleversement, la vibration de votre corde sensible, le rire et les larmes. Le film peut commencer, vous ouvrir des portes, des mondes, vous réjouir, vous sidérer, vous bouleverser, vous laisser indifférent, qui sait, ce sont des choses qui arrivent, les rendez-vous manqués. Mais on sait bien que ce sera mieux la prochaine fois. Au moment où la salle s’éteint, c’est imparable, immanquable, il y a toujours quelques spectateurs qui de plaisir à l’unisson laissent échapper un « Aaaaaaah ! » Vous aussi, tiens, c’est fou, vous dites « Aaaaaah ! ». Vous êtes heureux, vous êtes seul entouré de monde, vous allez partager un moment, un film, une émotion. Vous êtes au cinéma.

 

Ils (res)sortent sur les écrans et nous vous les recommandons :

La Bonne Épouse (critique) & l’abcédaire de Juliette Binoche
La Communion de Jan Komasa 
La Cravate (critique) & l’entretien Etienne Chaillou, Mathias Théry
De Gaulle de Gabriel Le Bornin
Radioactive de Marjane Satrapi
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Vivarium de Lorcan Finnegan
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