

Le vingt-quatrième film de Robert Guédiguian a le charme des histoires simples. Celle d’une femme qui commet de menus larcins pour permettre à son petit-fils de cultiver sa passion du piano. Un conte touchant, dont l’épure et l’interprétation généreuse font résonner un humanisme profond.
La pie voleuse du titre a les traits d’Ariane Ascaride. Au début du récit, son personnage, Maria, déguste des huîtres en écoutant un concert d’Arthur Rubinstein sur son téléphone portable. Tout est dit dans cette séquence : par la précision de ses gestes, son air ingénu, sa pure présence à l’instant, cette merveilleuse actrice offre à cette aide-ménagère tirant le diable par la queue sa dignité. Et le droit de s’accorder un instant de plaisir sensoriel. Car Maria est mélomane et a transmis son amour du piano à son petit-fils. Rien ne réjouit plus cette femme attentionnée que de pouvoir lui payer des cours et le voir progresser. Mais voilà : ni elle ni personne dans sa famille n’a les moyens de financer l’instrument et son apprentissage au pianiste en herbe, alors Maria orchestre quelques petits arrangements dans le dos des personnes dont elle s’occupe avec dévouement. Jusqu’au jour où sa petite mécanique bien rodée se grippe à la faveur d’un événement fortuit…
Robert Guédiguian et son coscénariste Serge Valletti articulent leur narration autour d’une réaction en chaîne malencontreuse, dont chaque élément trouve son relief. La Pie voleuse prend ainsi la forme d’un conte, où le manque d’argent tue les rêves, mais où les protagonistes savent trouver des parades et faire triompher les bonnes volontés. C’est simple comme le jour, lumineux comme un été à l’Estaque, que le cinéaste filme à nouveau, quatorze ans après Les Neiges du Kilimandjaro. C’est aussi doux, cruel parfois, et résolument optimiste. Tout du moins, ça s’efforce à l’être. Sous sa naïveté de surface et sa cadence ralentie, La Pie voleuse offre un antidote à la course effrénée au profit, ménage un espace de résonance et fait jaillir la plus belle musique qui soit : une ode à la bonté agissante (merveilleux Jean-Pierre Darroussin dans le rôle de M. Moreau) et à la beauté qui lui emboîte le pas.