Vivarium

Une maison d’enfer

Qui n’a jamais fait de cauchemar, à la merci d’un lieu ou d’une situation se répétant en boucle et ne laissant aucune porte de sortie ? Bienvenue dans la dystopie brillante de Lorcan Finnegan, miroir grossissant de notre société du conformisme consumériste.

Diplômé en design graphique et expérimenté en design et montage, le réalisateur irlandais Lorcan Finnegan use de la forme comme d’un terrain de jeu idéal pour raconter sa vision du monde. Et quelle vision ! Son scénariste Garret Shanley, après le premier long précédent Without Name (2016), inédit en France, a creusé l’histoire qu’ils ont imaginée ensemble, et a assemblé finement les pièces narratives de ce film-labyrinthe. Comme dans la mythique série cathodique La Quatrième Dimension, référence première du duo, le réel glisse progressivement vers l’étrange, l’inquiétant, l’effrayant. Une contamination que vivent en parallèle les personnages et les spectateurs, renforçant évidemment l’empathie et l’identification. Grâce aussi à l’incarnation candide, puis gangrenée d’Imogen Poots et Jesse Eisenberg.

Le cinéma reste pour ces auteurs la chance d’agir comme un regard à la loupe sur le quotidien des sociétés modernes. Les injonctions à mener une vie asservie aux projections que la collectivité dominante a mises en place, dans un environnement calibré, pour un parcours balisé, dont nous serions les pions animés, comme dans une programmation géante. Grandir, travailler, investir, procréer, pour faire grandir, travailler et investir les enfants, etc. Merci aux sollicitations publicitaires, déjà clés de l’imaginaire du metteur en scène pour ses courts-métrages ! Et une aseptisation déshumanisante de l’habitat, que de nombreuses fictions aux humeurs diverses ont déjà illustrée, de Mon oncle et Playtime de Jacques Tati à La Famille Jones de Derrick Borte.

Avec un soin pointilleux, malgré le budget pas si maousse costaud que ça et l’alternance de décors intérieurs en Belgique et extérieurs en Irlande, Lonergan s’est entouré d’une brochette de talents européens, pour fignoler l’esthétique étouffante de ce lotissement au centre du récit. Les murs, façades, rues, le ciel, composent l’uniformité impeccable et finalement macabre. Jusqu’à fasciner quand le décor s’ouvre sur une brèche… Une réussite corrosive, nourrie de cinéma, de télévision et de peinture. Dans ses projets en cours se profile une autre dystopie et une nouvelle percée dans les terres du bizarre. Le bout du tunnel est encore loin…