Festival Premiers Plans 2025

Épisode 1 : Réussir sa vie, réussir sa mort

Cette année, les présidents des jurys sont Nicole Garcia pour la compétition officielle, et Erwan Leduc pour la sélection diagonale. BANDE À PART s’associe toute cette semaine au festival pour soutenir le cinéma, l’amour, et l’amour du cinéma.

La 37e édition de Premiers Plans est riche de promesses. Ce festival, créé par une poignée de passionnés, célèbre les premiers films, ainsi que les premiers émois cinématographiques au sens large, au fil de rétrospectives, d’avant-premières, d’une sélection officielle et d’initiatives diverses, toutes plus intéressantes les unes que les autres. Vive Angers.

La soirée d’ouverture a suscité un accueil enthousiaste et sonore par le public angevin, marquée par l’annonce de la suppression, quelques jours à peine avant le début du festival, de la totalité des financements de la Région. Sans explication. Et sans autre forme de procès. Qu’à cela ne tienne. Claude-Éric Poiroux, le secrétaire général de Premiers Plans, et Jérôme Clément, son président, ainsi que le maire d’Angers, Christophe Béchu, n’ont ni mâché leurs mots, ni masqué leur indignation : « S’en prendre à la culture est une faute morale et politique. Angers défend le modèle européen, qui est avant tout culturel. Rien ne saurait nous faire baisser les bras ». Pour parer à ces 104 000 € pris en otage sur un budget déjà tendu, des mécènes individuels se sont mobilisés et ont réuni deux tiers de la somme. Dans l’urgence. Vive la solidarité.

On les comprend. Premiers Plans présente 97 nouveaux auteurs cette année. En parallèle de la compétition officielle, il y a aussi la sélection Diagonale, les Ateliers Jeanne Moreau, qui fêtent leurs 20 ans, des rétrospectives (Fellini, Nicolas Philibert,  Jeanne Balibar), des premiers films d’école, des courts-métrages, des conférences et un dispositif inégalé en France d’actions visant les publics scolaires. Trente mille élèves de la primaire à la terminale, sur quelque quatre-vingt mille spectateurs, vivent et respirent cinéma à Angers, en janvier, malgré le froid et une actualité mondiale morose. Vive la jeunesse.

Premiers Plans d'Angers 2025. Par Guillaume Delmas.

Pour son inauguration, qui a eu lieu samedi 18 janvier, Carine Tardieu est venue présenter en avant-première son prochain film, L’Attachement, devant une salle comble, accompagnée de Valeria Bruni-Tedeschi. Dimanche 19 janvier, la première lecture de scénario a eu lieu, au Centre des Congrès d’Angers. Cette tradition, née à Premiers Plans, consiste en une lecture publique d’un scénario de premier film en devenir, par des comédiens professionnels, qui le reçoivent la veille, ou presque. Devant une salle pleine à craquer, avec, au premier rang, une place particulière accordée aux invités de la Fondation Visio, qui œuvre pour rendre l’art et la culture accessibles aux enfants et aux adultes déficients visuels, Hounhouenou Joël Lokossou, Gouslajo Malanda et Galatéa Bellugi ont, dans un silence impressionnant, insufflé vie au scénario Corps étranger de Zoé Cauwet. Si l’on se fie au scénario, le film promet une aventure sensible, saisissante, intime et riche en couleurs. Il a été question de famille, d’identité, de la construction de soi. Et du rapport à la vie et à la mort. Vive l’inclusivité.

Carine Tardieu et Valeria Bruni-Tedeschi à Premiers Plans d'Angers 2025. Par Guillaume Delmas.

La vie et la mort sont justement le cœur névralgique du prochain film de Costa-Gavras, présenté lui aussi en avant-première. Certes, Denis Podalydès et Kad Merad manquaient à l’appel. Mais Costa-Gavras a pris, avec une émotion et une humilité débordantes de joie, la mesure de l’accueil qui lui était réservé par le public, tout en tendresse et respect. Le Dernier Souffle, adapté du livre éponyme du médecin Claude Grange et de l’écrivain et philosophe Régis Debray, est une œuvre à la fois pudique et poétique, un docu-fiction, presque, où la vérité est la seule directive imposée. Le film, testament d’une société à la dérive face à la fin de vie, a suscité une ferveur rare. Lors de la rencontre qui a suivi avec le réalisateur, sa productrice Michèle Ray-Gavras et le Docteur GrangeB, la question de la dignité de chacun.e, refusée par l’État, par la machinerie médicale, par les instances qui nous gouvernent, a pris une place importante durant les échanges avec le public. On juge un grand cinéaste aux œuvres qu’il laisse derrière lui. Et on juge une société à la manière dont elle traite ses anciens, ses malades et ses enfants. En France, chaque année, 2000 lits en soins palliatifs sont disponibles. Pour 600 000 morts, dont 200 000 sont prévisibles. CQFD. Vive la vie.