CÉSAR ET OSCAR 2016

La ruée vers l'or

Fin février arrivent les deux cérémonies top bling-bling du 7ème art, pour les cinéphiles français. Les César, 41éme édition, vendredi 26 à Paris, et les Oscar, 88ème édition, dimanche 28 à Los Angeles. Un week-end chargé, qui clôt la saison des prix, de la Ville Lumière à la Mecque du Cinéma. L’occasion de faire le point sur la représentation des révélations dans les grands raouts.



L’Académie des arts et techniques du cinéma a ajouté à ses récompenses le César du meilleur premier film dès sa huitième édition, en 1982. Premier gagnant : Diva de Jean-Jacques Beineix. En 1983, pour la neuvième cuvée, débarquèrent les espoirs féminin et masculin côté interprètes. Premiers élus : Sophie Marceau pour La Boum 2 de Claude Pinoteau, et Christophe Malavoy pour Family Rock de José Pinheiro.

Diva, de Jean-Jacques Beineix, César du meilleur premier film en 1982.

À Hollywood, pas de catégories pour les révélations. Au mieux, les premières oeuvres concourent pour le meilleur film, la meilleure réalisation et/ou le meilleur scénario (Little Miss Sunshine de Jonathan Dayton & Valerie Faris en 2007, Margin Call de J.C. Chandor en 2012). C’est rare. Et en cumuler plusieurs, rarissime. Ce fut le cas des Bêtes du sud sauvage de Benh Zeitlin, nommé en 2013 à l’Oscar du meilleur film, du meilleur réalisateur, de la meilleure adaptation, et même de la meilleure actrice pour Quvenzhané Wallis dans son premier rôle, devenant au passage la plus jeune actrice jamais nommée, à l’âge de neuf ans. Aucune statuette décrochée à la clé, mais un quatuor de nominations historiques.

Little Miss Sunshine, 4 fois nommé aux Oscar en 2007

Pour la 88éme cuvée, le Britannique Alex Garland tire son épingle du jeu en briguant l’Oscar du meilleur scénario original avec son premier long-métrage, Ex Machina, brillant huis clos d’anticipation. Les nouveaux cinéastes et premiers longs métrages mènent la danse dans la catégorie meilleur film en langue étrangère, avec les deux aventures acclamées en mai dernier à Cannes, Le Fils de Saul de Laszlo Nemes, pour la Hongrie, et Mustang de Deniz Gamze Ergüven, pour la France. Sans oublier un troisième, le Jordanien Naji Abu Nowar, pour son encore inédit chez nous Theeb. Comme quoi la nouveauté viendrait d’ailleurs, au pays des cow-boys, des super héros, des robots, des princesses et des snipers.

Theeb, en lice aux Oscar 2016 dans la catégorie "meilleur film en langue étrangère"

Mustang crée aussi l’événement dans l’hexagone, avec un total de neuf nominations aux César, et une double présence dans la catégorie meilleur film et meilleur premier film, comme c’est régulièrement le cas depuis Camille Claudel de Bruno Nuytten et La Vie est un long fleuve tranquille d’Etienne Chatiliez en 1989. Le phénomène est souvent annonciateur d’une victoire dans l’une des deux catégories. Voire exceptionnellement dans les deux, comme ce fût le cas pour Les Nuits fauves de Cyril Collard en 1993, et Les Garçons et Guillaume, à table ! de Guillaume Gallienne en 2014. Mais il semblerait qu’il faille être un mec, devant et derrière la caméra, dans une histoire où on tâte du garçon et de la fille, pour remporter le doublé. Donne à changer, Deniz ? La jeune cinéaste est aussi nommée comme meilleure réalisatrice.

9 nominations aux César pour Mustang, de Deniz Gamze Ergüven

Face à elle, quatre débutants visent le statuette du premier film : la fable hypnotique Ni le ciel ni la terre de Clément Cogitore, l’épopée familiale tragi-comique et audacieuse de Kheiron Nous trois ou rien, la fresque d’enquête intime de Thomas Bidegain Les Cowboys, et le polar classique d’après fait-divers L’Affaire SK1 de Frédéric Tellier. Mélange des genres et ouverture aux vents d’ailleurs avec quatre des cinq longs-métrages en lice qui visitent la Turquie, l’Iran, l’Afghanistan ou le Yémen. Les voyages forment la jeunesse et le cinéma. Le Fils de Saul, premier long événement mondial de l’année, annonce aussi sa présence dans la catégorie meilleur film étranger, face notamment aux chevronnés Moretti, Panahi, Sorrentino et Iñárritu.

Le fils de Saul, nommé aux César dans la catégorie "meilleur film étranger"

Des regrets, bien sûr. Aucune nomination « cocorico » pour des premiers longs-métrages forts, intenses, comme Je suis un soldat de Laurent Larivière, Bébé tigre de Cyprien Vial, Vincent n’a pas d’écailles de Thomas Salvador ou Les Deux amis de Louis Garrel. Mais aussi Discount de Louis-Julien Petit, Hope de Boris Lojkine, Max & Lenny de Fred Nicolas ou Je suis à vous tout de suite de Baya Kasmi. La catégorie animation permet de distinguer les premiers longs brillants et peu suivis en salles Avril et le monde truqué de Christian Desmares et Franck Ekinci, et Adama de Simon Rouby. Une autre fenêtre qui témoigne de la richesse de notre cinéma et de ses nouvelles propositions.

Avril et le monde truqué, nommé aux César dans la catégorie "animation"

Côté interprètes, dix talents concourent pour les espoirs. Deux prétendants au meilleur film offrent un duo de jeunes comédiens, chez deux cinéastes habitués à révéler des visages juvéniles : Rod Paradot et Diane Rouxel (vue aussi cette année dans The Smell of Us de Larry Clark et Fou d’amour de Philippe Ramos) pour La Tête haute d’Emmanuelle Bercot, et Quentin Dolmaire et Lou Roy-Lecollinet pour Trois souvenirs de ma jeunesse d’Arnaud Desplechin. Chez les filles, attention aux partitions fantaisistes de Sara Giraudeau (Les Bêtises d’Alice et Rose Philipon) et Camille Cottin (Connasse, princesse des cœurs de Noémie Saglio et Eloïse Lang), dans deux réalisations de duos féminins également révélés en 2015. La cinquième, Zita Hanrot, incarne la fille battante de Fatima de Philippe Faucon, Prix Louis-Delluc et meilleur film du Syndicat Français de la Critique de Cinéma.

Rod Paradot dans La Tête Haute, en lice pour le César du meilleur espoir

Chez les garçons, Finnegan Oldfield fait forte impression avec son incarnation de fils et frère en quête de sa sœur dans Les Cowboys, en plus de sa présence remarquée même si muette dans Ni le ciel ni la terre, où joue aussi Swann Arlaud, nommé pour Les Anarchistes d’Elie Wajeman. Deux acteurs nouvelle génération, singuliers et de plus en plus prisés à l’écran, rejoints par Félix Moati et son rôle d’amoureux bigame dans A trois on y va de Jérôme Bonnell.

Finnegan Oldfied, au centre, nommé dans la catégorie meilleur espoir masculin pour son rôle dans Les Cowboys

Dans les catégories maîtresses des interprètes, brille un trio de talents jusque là inconnus : Soria Zeroual, pour son incarnation de l’héroïne titre de Fatima, Loubna Abidar, remarquée en meneuse de Much Loved de Nabil Ayouch, et Antonythasan Jesuthasan, lui aussi héros titre dans Dheepan de Jacques Audiard. Trois portraits de combattants au quotidien, trois visions du monde et fenêtres ouvertes sur l’Autre et l’ailleurs. Trois révélations directement nommées comme meilleure actrice et meilleur acteur, face aux stars françaises Deneuve, Huppert ou Depardieu. Une concrétisation vivace du vivre ensemble.

Loubna Abidar, nommée aux César pour son rôle dans Much Loved

Aux Oscars, les visages les moins connus dans la course sont féminins et ont déjà du bagage, malgré leur première nomination dans leur catégorie respective : pour la meilleure actrice dans un second rôle, la Suédoise Alicia Vikander, 27 ans et seize films au compteur, avec The Danish Girl de Tom Hooper. Pour la meilleure actrice, l’Irlando-américaine Saoirse Ronan, 21 ans et dix-huit films, nommée pour Brooklyn de John Crowley, et Brie Larson, 26 ans et vingt-cinq films, en lice pour Room de Lenny Abrahamson, et en pole position avec son grand chelem victorieux jusque là (Golden Globe, Bafta, Screen Actors Guild Award).

Brie Larson nommée aux Oscar dans la catégorie "meilleure actrice" pour son rôle dans Room

À vos paris. Et pour info, entre les deux cérémonies, aura lieu ce samedi 27 février à Santa Monica la remise des Independent Spirit Awards, qui dédie plusieurs catégories aux nouveaux venus : meilleur premier film, meilleur premier scénario et prix de la personne à suivre. Concourent aussi pour le meilleur film international Mustang, et Bande de filles de Céline Sciamma. L’indépendance est plus généreuse aux Etats-Unis avec les talents en herbe ? Attendons les palmarès !