Deniz Gamze Ergüven

Rencontre autour du film Mustang

Alors que le festival est bien entamé, Mustang, qui raconte la tentative de rébellion de cinq sœurs, opprimées par des traditions archaïques d’un petit village turc, peut se targuer de faire partie des films qui ont fait vibrer la Croisette. C’est après avoir assisté à la dernière projection du film, présenté à la Quinzaine des Réalisateurs, que nous retrouvons sa réalisatrice Deniz Gamze Ergüven, qui vient de terminer une séance de photos avec ses cinq formidables actrices.

L’histoire de Mustang est un heureux accident. C’est en comprenant qu’elle ne pourrait pas réaliser King, un film sur les émeutes de Los Angeles en 1992, que Deniz Gamze Ergüven suit les conseils d’une de ses condisciples à la FÉMIS, Alice Winocour. La future réalisatrice d’Augustine l’encourage en effet à développer son traitement, écrit pendant la pré-production de King, qui allait devenir le scénario de Mustang. C’est avec un mélange de franchise et de lucidité que la réalisatrice évoque la préparation chaotique de son premier long-métrage : « Trois semaines avant le tournage, on n’avait toujours pas de budget définitif et on voyait arriver les dépenses. La productrice initiale du projet s’est retirée en voyant les dépenses augmenter. Ça a été très violent, car j’étais prête, nos actrices étaient prêtes, les décors étaient trouvés. » Mais c’est surtout sa détermination qui a permis au film d’exister : « J’essayais à toute force de tenir la barque, la productrice appelait la directrice de casting pour annoncer à tout le monde que le film était terminé. Je lui disais “ tu tiens bon, tu n’appelles personne, on va essayer de s’en sortir ”. Dans le même temps, on répétait avec les filles, alors qu’il n’y avait plus de producteur. » Une détermination qu’on peut rapprocher de la rébellion de ses personnages, envisagées comme des figures héroïques par leur réalisatrice : « Je crois que le naturalisme ne m’intéressait pas du tout, car j’avais besoin de transcender ces situations-là. Alors que donner une dimension héroïque à ces filles était beaucoup plus stimulant. » Tandis que le festival touche bientôt à sa fin, Deniz Gamze Ergüven, qui a mené de front le tournage du film, son intense promotion et sa vie de famille (elle est mère depuis quelques mois), va peut-être pouvoir souffler un peu. Même si l’idée d’un second long-métrage, qu’elle ne veut pas dévoiler pour l’instant, a déjà germé.

 

Photographie de l’article : Laurent Koffel.