Les Deux Amis

Beau, drôle et douloureux

L’amitié est-elle soluble dans l’amour ? Sur cette question vieille comme le monde du triangle amoureux, qui prend sa source dans le théâtre de Musset et Jules et Jim de Truffaut, Louis Garrel signe, avec Christophe Honoré au scénario, un premier long-métrage vif et vivant. Il y a aussi de la fable dans ce film, dont le titre fait écho à La Fontaine et ses deux « vrais amis » vivant au Monomotapa… Ouvrant sur la sortie de prison de Mona, une jeune femme qui travaille dans une guérite à sandwichs de la gare du Nord et retourne chaque soir derrière les barreaux, Garrel met dans la confidence le spectateur, tandis que Clément et Abel ignorent son secret, jusqu’au moment où ils la« capturent » et l’empêchent de reprendre son train. Cette connivence nous rend tragique ce qui semble comique à l’image : deux potes, un rien branleurs – Clément est aspirant acteur, Abel essaie d’écrire – se débattant pour retenir une femme insaisissable. Ce mélange de tonalités fait tout le sel de ce portrait d’une jeunesse perdue, vivant sur un passé révolutionnaire et libertaire révolu (ils font de la figuration sur le plateau d’un film reconstituant mai 68) et dont le seul combat subsiste sur le front du sentiment. Vincent Macaigne promène son air triste et décalé, Louis Garrel joue les beaux gosses égoïstes et Golshifteh Farahani, en femme qui mesure sa vie et ses erreurs à l’aune de cette rencontre, est d’une puissance impressionnante. C’est beau, drôle et douloureux.