Fou d'amour

Un ton léger, égayé d’interdits

Fou d’amour, le quatrième long-métrage de Philippe Ramos, est certainement l’un des plus beaux films français de l’année. Corrigeant le trait de son court-métrage Ici-bas, l’auteur reprend la peinture d’Un curé de campagne en 1959 (Melvil Poupaud), coupable de double meurtre, puis guillotiné. Au travers de sa tête ensanglantée, c’est le mort qui raconte : un stratagème miraculeux que l’on n’avait pas vu aussi bien tendu depuis Sunset Boulevard de Billy Wilder. N’abandonnant en rien le fil des obsessions qui animent son cinéma depuis ses débuts (citons platement : Dieu, la nature, les femmes, la littérature…), Ramos semble trouver ici une surprenante force tellurique à se transcender. En contrepoint d’un sujet sombre et du style parfois aride qui le caractérisait, cette fois il s’amuse et nous avec lui, plaçant son film sous un ton léger, égayé d’interdits, servi par des comédiens brillants (Dominique Blanc, Diane Rouxel, Lise Lamétrie…) autour de Melvil Poupaud, magnifique de suavité, de sarcasmes et de monstruosité. La majesté du cadre, où la nature et la sensualité des corps sont omniprésents, semble « respirer » davantage dans ce film. Chaque plan joue de formes picturales ensorcelantes. Ainsi Fou d’amour ne laissera-t-il pas indemne le spectateur ; il grave en lui un sentiment d’élégance et de dérèglement profond, tel un diamant brut et noir. Admirable.