Retour sur la carte blanche d’Ovidie à L’Étrange Festival

« Soirée punk neuroatypique »

Pour nous consoler de la fin de l’été, on peut, chaque année depuis vingt-huit éditions, compter sur L’Étrange Festival. La généreuse programmation y regorge de pépites hors normes, de propositions intrigantes, de rencontres passionnantes… Et puis, il y a les cartes blanches, qui figurent dans l’ADN de l’événement : retour sur celle dont s’est emparée Ovidie au Forum des images de Paris le 9 septembre 2022.

C’est une salle comble qui attendait Ovidie pour sa soirée « punk neuroatypique » déclinée en trois documentaires et un mini-concert. Elle s’en est d’autant plus réjouie que, par le passé, elle a fait en d’autres lieux des propositions bien moins courues : « un festival du film de chiens, qui me tenait particulièrement à cœur, n’a attiré qu’une dizaine de personnes », a-t-elle ainsi confié au public hilare.

Il y avait de la joie dans ce début de soirée, à commencer par la longue énumération des multiples casquettes de notre hôtesse : autrice (livres et bandes dessinées), réalisatrice (Ovidie a à son actif plusieurs documentaires consacrés aux violences systémiques faites aux femmes ; côté séries, elle a signé Libres pour Arte et  Des gens bien ordinaires pour Canal+ ; pour le cinéma, elle a commencé très jeune sa carrière en réalisant des films pornographiques d’un point de vue féminin et féministe). Et, enfin, militante de la première heure, particulièrement engagée dans la cause des femmes… Liste non exhaustive, évidemment !

Vint ensuite la présentation des œuvres choisies, mettant en lumière des musiciens dont le fonctionnement neurologique diffère de la majorité, ce qui génère pour la plupart de ceux qui nous ont été présentés une grande créativité, mais aussi souvent une bonne dose de colère. 

The Punk Syndrome a ouvert le bal. Un film finlandais de 2012, consacré au groupe Pertti Kurikan Nimipäivät, dont les quatre membres vivent avec un handicap mental. On assiste à leurs répétitions, leurs concerts, leurs disputes. On découvre la souffrance qu’éprouvent certains à devoir vivre en institution, leurs échanges parfois enthousiastes, parfois problématiques avec la société. Les réalisateurs, qui manifestement apprécient leurs protagonistes, n’édulcorent rien. Et il y a des moments malaisants ou d’une absurdité désopilante – une séquence à rebondissements concernant une visite obligatoire chez une pédicure, en particulier.

Après cette stimulante entrée en matière, place au concert, en formation réduite et acoustique, du collectif Astéréotypie. Quatre chansons interprétées, avec des faux départs, des blagues et surtout beaucoup d’intensité, avant un questions-réponses chahuteur conduit par Ovidie. Astéréotypie et ses auteurs/slameurs autistes est en train de grimper en puissance dans le milieu musical, a-t-on appris. Par ailleurs un film consacré à la genèse du projet, L’Énergie positive des dieux, est sorti en salle ce 14 septembre.

Entracte. Pas trop long cependant, car à Paris, il faut compter avec le dernier métro. Les deux films suivants ont donc été présentés plus rapidement. D’abord Hi, How Are You Daniel Johnston, court-métrage mettant en scène Daniel Johnston, figure culte de la scène LoFi dans les années 1990, face à un acteur le personnifiant plus jeune et le commentaire de deux alter ego animés échappés de son imaginaire. La maladie mentale y est évoquée de l’intérieur, avec une forme de douceur un peu triste.

Triste aussi, mais certainement pas douce, est la folie qui caractérise le dernier personnage de la soirée, Larry « Wid Man » Fischer. L’admiration et la bienveillance fondamentale avec laquelle Ovidie a présenté tous les précédents artistes s’est trouvée là un peu empêchée. « On peut être fasciné sans tout cautionner pour autant », a-t-elle averti. Et de fait, Derailroaded: Inside The Mind Of « Wid Man » Fischer nous présente un homme détesté par la plupart des intervenants qui ont eu à le côtoyer : de Frank Zappa, qui produisit son premier album, à son frère, navré, qui n’a rien de positif à en dire… Larry lui-même, toujours chantonnant, et ce depuis son plus jeune âge, est un interlocuteur imprévisible, violent, fantasque. Mais le film nous happe ! Au point de presque manquer le fameux dernier métro ; alors, plus le temps, malheureusement, d’écouter le mot de la fin d’Ovidie sur cette mémorable carte blanche.