Fire Of Love de Sara Dosa

Comme un volcan

Leur passion commune, les volcans, a porté Katia et Maurice Kraft toujours plus près du danger. Ils en ont rapporté des images uniques. Ce superbe documentaire nous fait revivre le feu qui les animait…

Dans les années 1970/80, en France, Katia et Maurice Kraft étaient des célébrités. On les voyait souvent sur le petit écran : elle, menue, cheveux courts, le visage mangé par de grosses lunettes de vue ; lui, frisé, imposant, mais souriant et débonnaire. Ils commentaient des images bouillonnantes de lave, rapportées par leurs soins à chaque expédition. En Italie, au Zaïre, en Colombie. Ils étaient vulcanologues. Et puis, ils ont disparu. En réalité, ils sont morts dans l’explosion volcanique du Mont Uzen au Japon, le 3 juin 1991. 

C’est merveille qu’une réalisatrice, américaine de surcroît, se penche sur leur histoire. L’affiche au lettrage un peu pop et au titre sentant bon les festivals rock des années 1960/1970 montre deux silhouettes argentées façon cosmonautes d’une autre époque sur fond de lave rouge. Et le film raconte autant leur inestimable apport à la science des éruptions que leur lien amoureux, indéfectible. Il le fait avec tendresse et invention. Faisant intervenir de temps à autre l’animation, reconstituant un parcours d’amoureux fou du vivant et de la nature. Et aussi les contradictions de cette passion : car les volcans sont des tueurs qui engloutissent des villages entiers. Des bêtes féroces dont on ne sait jamais qui ils vont attraper. Mais pour Katia et Maurice, « la curiosité est plus forte que la peur. »

Ce ne sont qu’images furieuses et splendides, extraits de leurs passages à la télévision et bandes d’actualités. Le travail de montage est virtuose et intelligent. Pas d’interviews face caméra pour dire à quel point les Kraft étaient ceci ou cela. Des voix, les leurs, bien sûr. Et puis d’autres, qui épousent les images ou prennent le relais.  La tessiture douce et éraillée de Miranda July apporte en off des éléments frappés d’une légère ironie. Parfois aussi, des comédiens français lisent des extraits des carnets de Katia et Maurice. N’importe quel documentaire aurait choisi des comédiens américains pour plus de facilité. Mais ici, point de facilité. Sous une apparente simplicité, c’est un récit complexe qui se tisse et se noue. Une histoire incroyable, très visuelle. Doublée d’un message sur notre rapport à la nature et ses dangers. Voilà un film unique et malicieux, d’une beauté et d’une force inouïes.