The Quiet Girl

Éloge de la tendresse

Ce premier long-métrage de fiction du documentariste et réalisateur de télévision irlandais Colm Bairéad donne à sentir ce que le mot tendresse veut dire, et inscrit en nous ses images et ses sons durablement.

 

Comme dans Forster, la nouvelle de Claire Keegan dont il s’inspire (parue en France sous le titre Les Trois Lumières chez Sabine Wespieser Éditeur en 2011), il est question dans The Quiet Girl d’une petite fille de 9 ans privée d’affection, qu’un couple de lointains parents va prendre sous son aile le temps d’un été. Dans les premières séquences, le contexte défavorisé et malaisant dans lequel évolue Cáit permet de comprendre le caractère mutique de cette enfant aux traits gracieux et au regard songeur. Puis arrive l’heure où sa mère à nouveau enceinte et son père émotionnellement infirme la confient à Eibhlin et Seán, qui résident dans la campagne irlandaise. Cáit, dès lors, devient l’objet d’une attention inédite pour elle.

The Quiet Girl de Colm Bairéad. Copyright ASC Distribution.

Nous sommes en 1981, mais cette histoire semble hors du temps (le contexte de cette époque, dont la grève de la faim des prisonniers politiques irlandais, est tenu à l’écart, contrairement à la nouvelle adaptée). Avec un sens méticuleux du détail, Colm Bairéad opte pour une réalisation qui tend vers l’esthétisation, mais s’arrête juste à temps pour conférer à chaque geste, chaque situation sa pleine densité. Tant et si bien qu’on entre en résonance avec cette fillette, qui découvre avec stupeur qu’on peut lui coiffer les cheveux en prenant son temps et s’occuper d’elle avec gentillesse. Le lien qui se tisse entre elle et ses parents de substitution se déploie sous nos yeux et émeut au plus haut point. Rarement a-t-on vu au cinéma un tel soin apporté à des gestes supposés anodins, qui revêtent ici une dimension extraordinaire.

The Quiet Girl de Colm Bairéad. Copyright ASC Distribution.

Il y a dans le regard de Catherine Clinch, qui joue Cáit, un tel accueil des forces en présence que ces moments d’échange et de complicité se chargent d’une émotion intense. À ses côtés, nos capteurs s’aiguisent : on ressent, à son diapason, le souffle du vent ; on traque la circulation de la lumière et de l’eau – ambivalente, comme l’attitude des adultes dans cette histoire. The Quiet Girl a la force d’une toile de Vilhelm Hammershøi ou d’un poème de Keats. C’est une œuvre dotée d’une hypersensibilité rare. Un très beau film sur l’enfance et l’amour qu’elle requiert.