Le Pharaon, le Sauvage et la Princesse de Michel Ocelot

Attention les yeux

Le neuvième long métrage de Michel Ocelot, rassemble trois contes sans liens apparents, plongeant le spectateur dans l’Égypte antique, l’Auvergne médiévale et une Turquie imaginaire. Charmant et original, le film procure un délicieux moment de contemplation.

 

D’entrée de jeu, le ton est donné : une conteuse moderne, bien dans ses baskets, propose un type de séance qui ravit depuis tous temps petits et grands : êtes-vous prêts pour que l’on vous raconte une histoire ? Une seule ? Non, trois ! Pour le premier tour, nous partons en Égypte ancienne… Comme toujours chez Michel Ocelot (Kirikou et la sorcière, 1998, Azur et Asmar, 2006, Dilili à Paris, 2018), la beauté graphique et son sens de l’épure prennent le devant de la scène, nourris d’une connaissance savante des hommes, de leurs cultures et de l’Histoire. Pharaon, premier des trois contes, subjugue par ses couleurs somptueuses, notamment par ce fameux lapis-lazuli des anciens, ce bleu égyptien des sarcophages, des sculptures, des papyrus, des peintures murales, qui rejaillit ici sur tous les plans. Michel Ocelot, fasciné depuis l’enfance par la civilisation égyptienne, s’en donne à cœur joie, aidé en coulisse par Vincent Rondot, le directeur du département égyptien du Louvre. Et si le réalisateur s’est inspiré de la posture particulière des bas-reliefs et de certaines peintures pour ses personnages, ainsi que d’une traduction de La Stèle du songe (un texte triomphal relatant la reconquête de l’Égypte par les armées koushites), la trame de son récit reste accessible et limpide. Pour conquérir le cœur de sa belle, son héros doit devenir pharaon en croisant quantité de dieux (Isis, Alon-Re, Sehkmet…), dont il cherche la protection. Mais ces derniers sauront-ils l’aider ? À suivre…

Copyright 2022 Nord Ouest Films StudioO/Les Productions du Ch'timi/Musée du Louvre/Artémis Productions

La conteuse nous embarque pour un deuxième voyage : les protagonistes y ont tous l’élégance de silhouettes noires convenant parfaitement à l’ambiance sombre du Moyen Âge dans cet épisode situé en Auvergne, Le Sauvage. À présent, la trame tourne autour d’un enfant mal aimé, repoussé par un père autoritaire, méchant dictateur de la région. Les voix des comédiens incarnant les différents caractères sont particulièrement ciselées, tour à tour âpres, tonitruantes, sensibles. Le spectateur se sent face à une pièce de théâtre tragique, où chaque mot est un enjeu de survie dans un drame étrange jusqu’à son dénouement.

Copyright 2022 Nord Ouest Films StudioO/Les Productions du Ch'timi/Musée du Louvre/Artémis Productions

Vient le temps de la fable la plus spectaculaire des trois, un conte d’amour et de gastronomie entre une princesse cloîtrée et un pâtissier de beignets à la confiture de rose, une fantaisie turque du XVIIIe siècle, totalement imaginaire. Nous circulons ainsi dans des jardins exubérants, des intérieurs somptueux, pleins de mosaïques et de décorations, à la suite de personnages costumés luxueusement, nimbés dans un déluge de couleurs, de formes géométriques et la délicieuse musique composée par Pascal Le Pennec . Il importe peu qu’à l’écran les petits acteurs en 3D soient trop beaux et leur récit un tantinet désuet : nos yeux demeurent grands ouverts face à ce bouquet final du feu d’artifice de Michel Ocelot, qui nous aura largement comblés.

Olivier Bombarda

Copyright 2022 Nord Ouest Films StudioO/Les Productions du Ch'timi/Musée du Louvre/Artémis Productions