Dilili à Paris

La petite pionnière

Michel Ocelot n’a rien perdu de son inventivité. En mettant en scène cette fois l’Hexagone, il remonte le temps et réinvente un moment de l’histoire commune. Un combat aussi, celui de la culture et de la femme.

Au moment où son premier long-métrage devenu culte, Kirikou et la sorcière, fête ses vingt ans, Michel Ocelot livre son septième opus long. C’est la France qui envahit cette fois l’écran. La capitale en est même le cœur battant, le décor aux mille lieux et cachettes. Un film enquête en pleine Belle Époque, luxuriante de bouillonnement artistique. Mais, toujours, un enfant sert de vecteur dramatique et révèle le monde à lui-même, tout en endurant les péripéties du récit.

L’héroïne métisse kanake est plongée dans l’épicentre d’un mystère qui secoue la Ville Lumière. Des fillettes sont enlevées. Un gang sectaire sévit. Le cinéaste entremêle les couches : découverte du Paris d’alors, résolution de l’intrigue, discours féministe et politique. Il dénonce plus que jamais l’obscurantisme, le sectarisme, le racisme, la misogynie. La bêtise. L’ignorance. La peur de l’autre. Les messages sont puissants et jouent les parallèles avec le monde actuel, alors que le Prix Nobel de la Paix vient de récompenser deux défenseurs des femmes victimes de violences sexuelles en temps de guerre, Nadia Murad et Denis Mukwege. Un geste engagé à saluer, dans un cinéma d’animation qui s’adresse notamment aux futurs adultes.

La peinture foisonnante du tout-culture de l’époque donne le tournis, car le défilé de célébrités, une fois entamé, est incessant. L’accumulation crée un effet catalogue, mais la présence de la cantatrice Emma Calvé et de Sarah Bernhardt est savoureuse. Sans oublier Louise Michel, décisive dans le parcours de Dilili. Toutes pionnières dans cette société patriarcale. On reste charmé par le traitement des couleurs, le graphisme singulier, alliant photos retravaillées, visages en relief et corps en 2D, par l’alliance poétique de la fidélité aux détails et des libertés prises par Ocelot, et par les notes de Gabriel Yared. La géographie des lieux, la vie souterraine grouillante et les moyens de locomotion inventifs ravissent l’œil.