Cannes 2019 : #2 - La lutte continue

La chronique de Cannes au jour le jour

Comme un maelström, les films se bousculent – et nous secouent – en compétition et dans les sections parallèles… Un vent de jeunesse souffle sur la Croisette, et les zombies sont partout…

« Ah ! Tu es là ! – Oui, comme tous les ans… – On se voit, alors ? – Ben, oui. D’ailleurs, là, on se voit ! – Oui, mais là, je file… »
C’est sûr, au Festival de Cannes, on voit du monde… mais c’est si fugace… Heureusement, de grands films impriment la rétine et il y a longtemps qu’un début de festival n’a semblé si foisonnant.
Aux marches du Palais, les œuvres nous bousculent, quatre brûlots éminemment politiques, réalisés par une jeune femme, un jeune homme, un couple inédit et un vétéran. C’est en mode guérilla que viennent de s’écouler ces deux jours d’images mouvantes. De Bacurau de Kleber Mendonça Filho et Juliano Dornelles aux Misérables de Ladj Ly, il y avait entre le Brésil et la France, le Sertão et le 9.3, comme un jumelage évident. Pour dire, sous couvert de fable dans le premier et de façon frontale dans le second, que la violence d’une oppression constante finira par tout faire péter. Dans Atlantique de Mati Diop, c’est aussi une injustice criante qui entraîne le récit vers un départ, un drame et un retour inattendu. Le film de zombies pour la Sénégalaise, le western rétro-futuriste pour les Brésiliens : le film de genre connaît un renouveau stupéfiant ces jours-ci. Qui s’en plaindrait ?
Et puis, avec Sorry, We Missed You, Ken Loach revient en compétition et nous offre un film constat comme il sait si bien les faire. L’histoire d’une famille qui se bat au quotidien et à bas bruit, contre tout, toujours. Cette violence insidieuse qui vous consume à petit feu… Et ils le font avec une telle bravoure mêlée de gentillesse profonde que chez le spectateur se mélangent colère, espoir, chagrin, révolte. « La gentillesse est la plus belle des vertus, écrivait Vialatte. Le stoïcisme n’est qu’impassible. La gentillesse, c’est le courage qui sourit… Et il y a parfois du mérite. »
Jeudi 16 mai, Ken Loach, 82 ans et un sourire d’enfant, le bras droit en écharpe, mais le gauche toujours prêt à se lever, saluer de la main ou serrer le poing, était, en compagnie de son équipe d’acteurs très émus, ovationné longuement à minuit passé, dans le Grand Auditorium Lumière. C’est peu dire que la lutte continue…