Cannes 2019 : #1 - Abierto

La chronique de Cannes au jour le jour

Sur le frontispice du Palais des Festivals, dans une lumière orangée qui ensoleille l’entourage immédiat, Agnès Varda, jeune et débutante, est juchée sur son assistant, lui-même à genoux sur un promontoire. Un canotier sur la tête, l’œil rivé à l’objectif de sa caméra, la cinéaste surplombe la Pointe Courte à Sète. Dans ce premier film, tourné en 1953, elle regarde la vie, celle d’un couple perdu (Philippe Noiret et Silvia Monfort) et aussi de pêcheurs du cru…

 

 

Disparue en mars, Agnès Varda est le petit fantôme bienveillant qui nous accompagne pour cette édition du 72e festival de Cannes. Son fauteuil vide trônait au milieu de la scène du Palais lors de la cérémonie d’ouverture ce mardi 14 mai.

Édouard Baer a mené une parade un peu molle, malgré sa verve habituelle (« Parfois, à Cannes, la salle est si spectaculaire que le film s’arrête pour la regarder. »). L’annonce en fanfare de la retransmission en direct de cette cérémonie – non seulement en direct, mais dans 600 salles de cinéma en France – semble avoir ramené le cahier des charges à la baisse. Extraits, une chanson Sans toi sur des paroles d’Agnès Varda, musique de Michel Legrand, disparu en janvier 2019. Applaudissements, efficacité. Présentation du jury : Enki Bilal, Robin Campillo, Elle Fanning, Yorgos Lanthimos, Maimouna N’Diaye, Pawel Pawlikowski, Kelly Reichardt, Alice Rohrwacher. Extraits des films présentés cette année, discours en espagnol (non traduit dans la salle) du président Alejandro Gonzalez Iñárritu, dont on a compris qu’il était heureux d’être là, que Cannes avait de l’importance pour lui, et que le cinéma était une expérience collective…Finalement, a-t-on besoin de tout comprendre ? Arrivée sur scène et pour conclure de Charlotte Gainsbourg et Javier Bardem, tous deux interprètes d’Iñárritu, qui ont déclaré ce 72e Festival International du Film de Cannes :

« OUVERT/ABIERTO ».

Place à The Dead Don’t Die de Jim Jarmusch. Premier film de cette compétition cannoise, qui sort ce mercredi et remplit son office de film d’ouverture. Beau casting, donc belle montée des marches. Film hommage au cinéma de série B, ballade nonchalante (très) cool et goguenarde, où Bill Murray est un shérif hors d’âge et Adam Driver une pythie évoquant une fin fatale. Le film use jusqu’à la corde les clichés du film de zombies. C’est amusant et un peu lassant. Il y a des clins d’œil au spectateur (notamment sur la chanson titre du film, antienne country composée par Sturgill Simpson) et de belles surprises portées par Tilda Swinton, étrange et merveilleuse, et Tom Waits, ermite chevelu, sage et écolo.

Le spectre de la fin du monde, et le fantôme d’un film que l’on aurait aimé plus investi, plus goguenard peut-être… Mais sur le T-shirt du geek Bobby Wiggins, la silhouette de Nosferatu nous fait un signe… « Quand il eut passé le pont, les fantômes vinrent à sa rencontre… »