Valse de prix

Retour sur le palmarès du 72e Festival de Cannes

Voilà, c’est fini. Un bien beau palmarès, qui reflète assez bien la diversité de cette sélection officielle 2019, dont on ne redira jamais assez l’excellente qualité. Sur le tapis rouge, nous avions vu passer la cinéaste d’Atlantique, Mati Diop ; Antonio Banderas ; l’équipe de It Must Be Heaven, Elia Suleiman en tête ; les frères Dardenne ; la bande des Misérables ; celle de Parasite ; Quentin Tarantino ; Kleber Mendonça Filho et son producteur Saïd Ben Saïd ; Jessica Hausner, réalisatrice de Little Joe et son actrice ; Céline Sciamma et ses deux superbes interprètes, Adèle Haenel et Noémie Merlant… Il ne restait plus qu’à découvrir dans quel ordre le jury, présidé par Alejandro González Iñárritu, avait distribué ses trophées.

« Il est temps de se compter ! », comme a dit Édouard Baer, maître de cérémonie drôlissime et inspiré, « sinon, c’est long la vie, s’il n’y a pas d’émotion… ».

D’abord, Rithy Panh a remis la Caméra d’or, qui récompense un premier long-métrage, en compagnie de la comédienne et réalisatrice Valeria Bruni Tedeschi, qui a lu quelques mots d’Agnès Varda « Pour les blessures de l’âme, la photographie ne me suffisait pas. » Cesar Diaz remporte ce prix avec Nuestras madres, présenté à la Semaine de la Critique. Émotion palpable.

« C’est impossible de remettre aussi peu de prix à autant de bons films », a déclaré en préambule le Président du jury. Mention spéciale, remise par Chiara Mastroianni à Elia Suleiman, qui a fait rire la Croisette avec This Must Be Heaven, et dont la légèreté a sans doute apporté un peu de beauté en fin de festival.

Le Prix du meilleur scénario revient à Céline Sciamma pour Portrait de la jeune fille en feu. Qu’est- ce que c’est que ce hochet ? Bonne joueuse, la réalisatrice rend hommage à toutes les personnes qui ont apporté leur regard et leur contribution à ce très beau film, qu’on attendait plus haut dans le palmarès.

Reda Kateb, lui, a remis son prix à Emily Beecham, actrice convaincante d’un film qui le fut peu, Little Joe de Jessica Hausner. L’actrice fut brève, concise, émue dans son discours. Il y avait d’autres personnages féminins bouleversants dans la compétition, notamment chez Loach et Sciamma. Bizarre, bizarre…

Viggo Mortensen, en français dans le texte, raconte son voyage en avion, il y a quelques mois, avec Agnès Varda. Poignant témoignage d’une conversation enjouée, dont il retint ces mots : «  Pour faire du bon cinéma, il ne faut pas montrer, il faut simplement donner l’envie de voir »,  introduisant ainsi le Prix de la mise en scène à Jean-Pierre et Luc Dardenne pour « un hymne, une ode à la vie », Le Jeune Ahmed. On souscrit.

Le Prix du jury fut remis par Michael Moore, qui a cité Pablo Picasso et égratigné Donald Trump dans le même temps : « Everything that you imagine is real », disait le peintre… Double prix ex æquo aux Misérables de Ladj Ly et Bacurau de Kleber Mendonça Filho et Julian Dornelles. Ladj Ly parle longuement, savoure le moment, déploie ses remerciements avant de dédier son prix « à tous les misérables du monde », tandis que les deux réalisateurs de Bacurau rappelaient en brésilien et en anglais à quel point ils ont besoin de culture. Et ces deux films en mode guérilla, ainsi accolés en prix du jury, finalement, ça nous va.

Zhang Ziyi a présenté le prix d’interprétation. Pas de surprise cette fois : Antonio Banderas l’emporte pour Douleur et gloire de Pedro Almodóvar. « Ça t’a pris combien de temps pour arriver ? », lui a demandé sur les marches Thierry Frémaux, le délégué général du festival, faisant référence au voyage du jour. Banderas lui a répondu : « Quarante ans ! ». Pas volée, cette récompense, que Banderas dédie à Almodóvar, avec lequel il a tourné huit films. « Ceci est mon soir de gloire ! ».

Sylvester Stallone, après une ovation, remet le Grand Prix, divine nouvelle, à Atlantique de Mati Diop, qui a demandé à son équipe, ses productrices et sa monteuse de la rejoindre sur scène. « Je trouve ça un peu fou… J’en reviens pas, en fait. ». « Prenez le prix, prenez Sylvester, bravo à tous ! », conclut l’indispensable Edouard Baer.

Catherine Deneuve, merveilleuse et scintillante, demande à Alejandro González Iñárritu de la rejoindre sur scène : et même s’il restait deux réalisateurs dans la salle, on s’est pris à rêver que Bong Joon-ho remporterait la Palme d’or. Eh oui ! C’est pour lui ! Le cinéaste sud-coréen signe avec Parasite un vrai beau film de cinéma populaire et une satire sociale très actuelle.

Il y a du juste dans ce palmarès, même si Ken Loach est absent et Céline Sciamma un peu sacrifiée. Mais les films importants sont là. Ils étaient si nombreux.

 

Palmarès du 72e Festival International du Film de Cannes :

•Palme d’Or

Parasite de Bong Joon-ho

•Grand Prix du Jury

Atlantique de Mati Diop

•Prix du Jury

Les Misérables de Lajd Ly et Bacurau de Kleber Mendonça Filho et Juliano Dornelles

•Prix de la mise en scène

Le Jeune Ahmed de Luc et Jean-Pierre Dardenne

•Prix du scénario

Portrait de la jeune fille en feu de Céline Sciamma

•Prix d’interprétation féminine

Emily Beecham dans Little Joe

•Prix d’interprétation masculine

Antonio Banderas pour Douleur et Gloire de Pedro Almodóvar

•Mention spéciale

It Must Be Heaven d’Elia Suleiman

•Palme d’or du court métrage

La Distance entre le ciel et nous de Vasilis Kekatos

Mention spéciale :

Monstruo Dios d’Augustine Saint Martin

•Caméra d’Or

Nuestras Madres de César Diaz