Cannes 2019 : Little Joe

Alice, mère célibataire, est une phytogénéticienne chevronnée qui travaille pour une société spécialisée dans le développement de nouvelles espèces de plantes. Elle a conçu une fleur très particulière, rouge vermillon, remarquable tant pour sa beauté que pour son intérêt thérapeutique. En effet, si on la conserve à la bonne température, si on la nourrit correctement et si on lui parle régulièrement, la plante rend son propriétaire heureux. Alice va enfreindre le règlement intérieur de sa société en offrant une de ces fleurs à son fils adolescent, Joe. Ensemble, ils vont la baptiser  » Little Joe « . Mais, à mesure que la plante grandit, Alice est saisie de doutes quant à sa création : peut-être que cette plante n’est finalement pas aussi inoffensive que ne le suggère son petit nom.

Les avis de la bande :

 

L’attrait immédiat pour une esthétique affirmée  (lumière, cadrages…), que la rousseur de l’actrice (Emily Beecham) participe à élaborer, dans un souci d’unité formelle (chaque plan est très pictural), s’accompagne d’un désintérêt pour le propos. Les enjeux du récit peinent à s’affirmer. De plus, dans cette volonté d’unité dans le style, constituant une atmosphère clinique sans échappatoire, rien de détonne, et l’ennui pointe.

Benoit Basirico

 

Avec une mise en scène lorgnant vers Lánthimos (en plus humble et moins brillant toutefois), Little Joe est un film de genre au style chirurgical et maîtrisé. Au-delà de son manque d’ambition – on aurait tort d’y chercher un quelconque indélicat « message » – le film de Jessica Hausner est frais et plaisant, jamais maladroit malgré quelques prises de risque, et accompagné d’une bande originale particulièrement réussie.

Pierre Charpilloz

 

En travaillant l’étrangeté et le cinéma de genre, Jessica Hausner vise la sophistication extrême. Un soin à tous les éléments de la mise en images et en sons, qui enferme rapidement le film dans un glacis sans âme. Little Joe dévoile dès ses premières scènes son cahier des charges : raconter la contamination dans une parabole d’anticipation. La progression dramatique est annoncée dès le départ et aucune surprise ni rugosité ne viennent déranger la mécanique. Morne aventure.

Olivier Pélisson

 

Avec Little Joe, la cinéaste Jessica Hausner fait une tentative louable de renouveler son approche du cinéma au travers d’une histoire qui flirte allègrement avec le genre fantastique, se déployant dans une esthétique pastel aseptisée et angoissante. Encore confinées en laboratoire, les fleurs rouge sang qui occupent nos héros sont censées apporter le bonheur aux gens au gré de leurs effluves énigmatiques. Elles sont l’enjeu d’une manipulation génétique qui devient celle des esprits de tous les personnages du film. Le spectateur suit alors Alice (Emily Beecham), la phytogénéticienne à l’origine du programme scientifique, tombant dans une paranoïa galopante, doutant de tout, de son prétendant comme de son fils, pourtant si proche. Au même titre que l’héroïne de Rosemary’s Baby dans le film culte de Polanski, Alice est une héroïne fiévreuse, tremblotante, à la beauté diaphane et à l’incandescente rousseur, perdue dans ses repères habituels, accompagnée en cela d’une bande-son débridée, perturbante, remarquable. Little Joe se révèle ainsi un puzzle intense et savoureux.

Olivier Bombarda