Drôle

L’humour fou

Retour en force de Fanny Herrero, brillante showrunneuse de Dix pour cent, pour cette série consacrée au stand-up. Avec quatre jeunes acteurs épatants.

Quelques mois après Jeune et Golri de et avec Agnès Hurstel (toujours visible sur OCS à la demande), voici la nouvelle série française sur le stand-up proposée par madame Dix pour cent, Fanny Herrero. Ils sont quatre jeunes gens d’horizons différents, qui tous gravitent autour du « Drôle », bar pour « stand-upeurs » ou « comedy club » créé par Bling et sa sœur Corine, après que celui-ci a connu un succès fulgurant avec un premier rôle au cinéma. En plus de Bling (Jean Siuen), qui a perdu « le mojo » et ne parvient plus à sortir une vanne sur scène, il y a Aïssatou (Mariama Gueye), épouse et mère faisant face à une gloire soudaine à la suite d’une prestation devenue virale ; Nezir (Younès Boucif), livreur à vélo vivant seul avec son père handicapé et maladivement timide, alors qu’il est brillant ; Apolline (Elsa Guedj), bourgeoise étudiante en histoire de l’art et promise à un grand avenir ne rêvant que de stand-up.

Copyright Mika Cotellon/Netflix

L’intérêt de la série réside dans une écriture d’une grande finesse, à laquelle ont contribué nombre d’auteurs par ailleurs comiques ou stand-upeurs qui savent de quoi ils parlent, de Fanny Ruwet à Lison Daniel en passant par Thomas Wiesel. Celle-ci déjoue le panel représentatif formé par les quatre personnages ainsi que le récit un peu programmatique de leurs parcours. En replaçant mine de rien ses personnages venus d’horizons différents – ils sont issus de l’immigration pour trois d’entre eux, mais aussi de classes sociales opposées -, loin des clichés souvent assénés en fiction, dans une réalité concrète du vivre ensemble. Et en ouvrant des mondes avec intelligence et modernité : être une mère, une épouse et une auteure et travailler sur une vérité de sa vie pour faire rire autrui ; parvenir à concilier la colocation avec son vieux père, la difficulté de s’insérer et les fins de mois difficiles avec une capacité à rire de soi et des autres ; trouver comment être quand on a été et que la teuf et les baskets de luxe sont devenus votre seul horizon ; parvenir à devenir celle qu’on est vraiment au fond de soi, alors que vos parents vous ont dessiné une tout autre route. Le rire, ici, est une arme, un lien, une solution. Un véritable baume pour contrer les jours mauvais.

Copyright Mika Cotellon/Netflix

L’autre atout tient dans un casting remarquable, un choix évident de mettre sur le devant de la scène des personnages et des acteurs différents. Dans leur corps, leur couleur de peau, leur débit, leur présence unique en somme, Mariama Gueye, Younès Boucif, Jean Siuen et Elsa Guedj sont la force de la série, sa colonne vertébrale et son supplément d’âme. Ce qui fait mouche, c’est la justesse dans la représentation de ce monde du stand-up, à la fois nouveau, porté par des gens très jeunes, et en même temps parfaitement à la bonne place, familier et donc universel.

 

Isabelle Danel