Festival du Film de Sarlat 2022

Jour #3 : Cécile de France est dans la place !

L’actrice foulait pour la première fois ce jeudi le sol de Sarlat et de son festival. Dans La Passagère, premier long-métrage d’Héloïse Pelloquet, présenté en sélection officielle, elle joue Chiara, convertie depuis vingt ans à la vie insulaire et à la pêche par son mari, et soudain prise entre deux hommes et deux territoires. L’occasion idéale pour l’interviewer autour du film, de sa carrière, et de la vie, en mode choix cornélien (ou pas) !

Cécile de France sur scène au festival de Sarlat - 31e édition - Photo : Charlotte Mano
Actuellement en pleine promotion du film, vous vous sentez plutôt Cécile ou Chiara ?

Je fais toujours une grande séparation entre mes personnages et moi. J’essaie d’apporter un maximum de sincérité, et mes émotions les plus intenses, à l’histoire d’un personnage qui n’est pas ma vie. Plus il est loin de moi, plus cela m’intéresse, car il y a de la matière. J’aime créer, comme un peintre ou un sculpteur accouche d’une œuvre.

Vous êtes plutôt passagère ou conductrice ?

Passagère. J’aime pouvoir me laisser aller, rêver en regardant le paysage, plutôt que d’être volontaire et décideuse.

Île ou continent ?

Ce qui est sûr avec l’île du film, c’est qu’il y a l’élément de la mer, et qu’il était très important pour amener du romanesque et du romantisme à cette histoire d’amour.

Atlantique ou Méditerranée ?

Atlantique, parce qu’il y a des vagues, et que j’aime faire du bodyboard.

Chasse ou pêche ?

Chasse absolument pas, évidemment ! Et pêche non plus. J’ai eu une vraie révélation pour les crustacés sur La Passagère. De nombreux crabes, homards et araignées de mer ont servi pendant le tournage. On en prenait soin, pour qu’ils restent vivants le plus longtemps possible. On les a mangés à la fin de l’aventure, et j’étais émue. Bizarrement, j’avais construit un lien affectif avec mes partenaires de jeu marins. C’était nouveau et très surprenant.

festival de Sarlat - 31e édition - Photo : Charlotte Mano
Foie gras ou soupe de poissons ?

Le tout est de consommer avec modération ! Je goûte à tout et surtout, l’art culinaire étant l’une des plus grandes qualités de l’être humain, je suis toujours très heureuse de manger des plats qui ont été faits avec beaucoup d’amour et de passion.

Mal de mer ou pied marin ?

Je n’ai pas du tout le mal de mer. De tout le tournage, j’ai eu une seule fois un léger mal. Je suis une personne très ancrée dans la terre, et très attachée, par exemple, aux arbres. Je suis souvent très émue par la végétation.

Réalisme ou fantastique ?

Il me faut la combinaison des deux, pour pouvoir m’évader dans quelque chose qui est propre à notre imaginaire, essentiel dans nos qualités d’être humain.

Chamane ou médium ?

Grâce au film Un monde plus grand de Fabienne Berthaud, j’ai découvert l’univers du chamanisme, qui est vraiment passionnant, et qui m’a ouvert l’esprit sur cette autre dimension, à laquelle nos peuples occidentaux et contemporains n’ont plus accès. Dans d’autres parties du monde, on est plus facilement connecté aux vibrations, au monde invisible. Grâce au film, je me suis rendu compte que beaucoup de gens s’y intéressent, mais assez discrètement, car ce n’est ni à la mode ni très bien vu dans nos sociétés cartésiennes.

Poupées russes ou casse-tête chinois ?

Je ne suis pas du tout une cérébrale, je fonctionne beaucoup à l’instinct. Je dirais poupée russe, parce que j’aime l’idée d’être capable en tant qu’actrice d’interpréter des femmes différentes à chaque fois.

La Passagère - Photo : Bac Films
Sœur Sourire ou Django Reinhardt ?

Ni l’un ni l’autre parce que je ne suis ni chanteuse dans l’âme ni musicienne. Ce n’est malheureusement pas quelque chose que j’ai développé quand j’étais plus jeune. Mais j’aime beaucoup Sœur Sourire, dont le tournage a été très fort. C’est un personnage en souffrance et très sombre, même si elle paraît légère. Elle était emprisonnée à cause d’une société qui ne l’acceptait pas telle qu’elle était.

Auberge espagnole ou château de Chambord ?

L’auberge espagnole, c’est la jeunesse. Une vie que beaucoup d’étudiants ont vécue. Je suis fière que le film de Cédric Klapisch ait donné envie à beaucoup de jeunes de faire pareil. Et le château de Chambord aussi, parce qu’il m’évoque immédiatement un monde enchanteur et merveilleux, et je m’invente beaucoup d’histoires romanesques. J’aime visiter les châteaux.

Mademoiselle Julie ou Mademoiselle de Joncquières ?

Mademoiselle Julie c’était déjà avec Grégoire Monsaingeon, dans le rôle de Jean sur scène, lui qui joue Antoine dans La Passagère. C’était un projet très important pour nous. Et Mademoiselle de Joncquières est un personnage absolument fascinant. Cette femme qui se venge et qui s’autorise à vivre cet amour, tout cela restant très mal vu à cette époque-là.

Clint Eastwood ou Wes Anderson ?

Clint Eastwood, parce que l’aventure cinématographique avec lui était absolument inoubliable et merveilleuse, alors que j’ai passé seulement deux journées avec Wes, donc au niveau du vécu, ce n’est pas du tout comparable.

Catherine Deneuve ou Fanny Ardant ?

J’ai vécu un éblouissement absolu avec les deux. Ce n’est pas leur nom qui m’a éblouie, c’est leur jeu, leur talent, leur intensité dramatique. Leur génie m’a transpercée.

The Young Pope ou The New Pope ?

The Young Pope, c’était absolument dingue, parce que c’était la première fois, et que je vivais la fierté d’avoir été choisie par Paolo Sorrentino, et surtout la chance de travailler avec lui. The New Pope aussi, parce que c’était très agréable de continuer à incarner mon personnage, et face à des partenaires extraordinaires.

César ou Magritte ?

J’ai eu plus de nominations aux César qu’aux Magritte ! Alors forcément je les remercie beaucoup. Mais les Magritte, c’est quand même mon pays, et je suis très attachée à mon pays !

Passé ou avenir ?

Ni l’un ni l’autre, j’essaie vraiment d’être dans le présent. Être dans le passé ne sert pas à grand-chose à part à tirer des leçons, et d’autant plus que je crois que notre cerveau ne choisit pas de manière très subjective. Le futur ? Je n’ai ni envie ni besoin de me projeter dans quelque chose qui ne va peut-être pas arriver. À mon âge, je me dis que je vais déjà profiter de tout ce que j’ai construit, de ce que la vie m’a offert, de ce qui est extraordinaire. Il faut en profiter chaque seconde.

 

Propos recueillis par Olivier Pélisson au 31e festival de Sarlat