Conclusion (retardée d’un mois) d’une année de cinéma évidemment particulière, la 93e cérémonie des Oscars a donné, par ses récompenses, l’aperçu d’un monde du cinéma plus divers et bouleversé que jamais. C’est un marronnier, mais on ne peut pas ne pas la mentionner : la situation de Netflix aux Oscars reste toujours riche d’enseignements. Avec 36 nominations, et seulement 7 récompenses (dont aucune majeure), la célébrissime plate-forme ne parvient toujours pas à s’imposer complètement au sein de l’establishment hollywoodien. Mank, film le plus nommé de la soirée, repart avec deux récompenses techniques, tout comme Le Blues de Ma Rainey, dont les comédiens Viola Davis et Chadwick Boseman partaient favoris pour des prix d’interprétation. L’autre grand perdant de la soirée est Les Sept de Chicago, le seul des huit postulants à l’Oscar du meilleur film à être reparti totalement bredouille. Les votants leur ont globalement préféré des films destinés à une sortie en salle. Même si la situation actuelle fait que Nomadland, Promising Young Woman ou Judas and the Black Messiah auront été principalement vus sur des plates-formes numériques, par le biais de sorties simultanées salles/VOD ou des fenêtres d’exploitation en salles extrêmement réduites pour la circonstance.
La diversité tant recherchée par l’Académie commence à se voir dans les récompenses attribuées : avec ses trois Oscars, meilleure actrice (Frances McDormand), meilleur film et meilleure réalisatrice pour Chloé Zhao (la seconde femme, seulement, en près de cent ans d’existence), Nomadland est donc le vainqueur depuis longtemps annoncé de cette édition. Minimaliste, très libre et poétique, cette balade dans une Amérique mal connue, loin des canons esthétiques et narratifs dominants, est une véritable évasion cinématographique. Parmi les autres films mis en avant, Promising Young Woman (meilleur scénario original pour Emerald Fennel), et Judas and the Black Messiah (meilleur second rôle masculin pour Daniel Kaluuya et meilleure chanson), à travers le style du thriller (l’un corrosif et mordant, l’autre historique), abordent des thématiques qui sont brûlantes sans être, hélas, vraiment nouvelles, celles des violences faites aux femmes et des injustices subies par les Noirs dans la société américaine.
Parmi les autres gagnants, le touchant mais très sage Minari (meilleur second rôle féminin pour Youn Yuh-jung) et le beau Sound of Metal (avec un épatant Riz Ahmed), premier film très prometteur de Darius Marder, qui remporte deux récompenses techniques (meilleur montage et meilleur son). Soul récolte deux prix (meilleur film d’animation et meilleure musique originale pour Trent Reznor et Atticus Ross). La Sagesse de la pieuvre, évoqué dans nos colonnes, est couronné meilleur film documentaire. Et enfin, la surprise The Father, moins exposé que certains de ses concurrents, malgré son succès public à Sundance. Adaptation par Florian Zeller lui-même de sa pièce au succès qui dépasse les frontières françaises, ce premier film se voit attribuer le prix du meilleur scénario adapté et celui de la meilleure interprétation masculine, récompensant à juste titre un Anthony Hopkins qu’on n’avait pas vu aussi impliqué dans un rôle depuis bien longtemps.