Rencontre avec J.T. Mollner, réalisateur

Outlaws and Angels

Outlaws and Angels est un western progressiste. Contrairement à certains titres récents, il n’utilise pas le cadre du genre pour évoquer l’Amérique contemporaine. Il plonge dans les arcanes de l’Ouest. Avec âpreté, il restitue un monde sauvage, injuste, terrifiant et s’attache aux individus qui le peuple. Drame intimiste et pur récit de hors-la-loi, le premier film de JT Mollner est présenté au Festival Européen du Film Fantastique de Strasbourg dans la section Crossovers.

Choisir le western comme cadre d’un premier long métrage relève d’une démarche singulière aujourd’hui. Avez-vous toujours été fasciné par le genre ?

J’ai été fasciné par le western toute ma vie. Mon grand-père m’a biberonné au western. On regardait tout ensemble, de Ford à Peckinpah. L’histoire d’Outlaws and Angels pourrait être racontée à n’importe quelle période, mais j’ai choisi de la replacer dans l’Ouest sauvage parce que, bien que j’aime le genre depuis toujours, j’ai souvent trouvé qu’on y manquait d’honnêteté. Je sentais qu’il était possible d’aller plus loin. Avec Outlaws, nous avons essayé de nous éloigner du manichéisme classique pour explorer un sujet choquant, et qui se révèle, en plus, particulièrement choquant au sein d’un western. C’est un cri d’amour au genre, et un brusque retour à la réalité.

Le naturalisme est au cœur du western moderne, si l’on se réfère à des exemples récents, comme la série HBO Deadwood ou le True Grit des frères Coen. Dans Outlaws and Angels, vous choisissez d’être extrêmement précis sur les mots, dans les dialogues.

Je ne pense pas que True Grit soit véritablement naturaliste. J’aime profondément les frères Coen (ils sont à mes yeux les plus grands cinéastes vivants), mais le film était trop propre pour moi. Mais oui, le langage utilisé était plus juste que dans la plupart des westerns, et c’était stimulant. Deadwood a clairement été une de mes inspirations. L’une des choses les plus excitantes que nous ayons eu à faire, c’était ces recherches minutieuses sur le dialogue. Comment les gens parlaient-ils alors ? A quel rythme ? Quelles étaient les expressions courantes ? Je n’avais jamais vu un western qui s’attache véritablement à cela. Deadwood était la tentative la plus poussée, mais c’était de la télévision. Donc, nous avons pris la décision d’être le plus exacts possible sur ce point. Au final, le dialogue perd un peu le public, il les déstabilise, leur donne l’impression que les personnages parlent confusément. Parce que les spectateurs se fondent sur des idées de l’Ouest véhiculées par des westerns imprécis depuis des décennies.

Ces dialogues sont un des aspects du film dont je suis le plus fier. Je pense que nous avons réussi à être justes, et les acteurs nous ont suivis de manière magistrale.

Votre film est plus violent et transgressif que la majorité des westerns. Le genre s’attache encore souvent à une forme de romantisme, dans son usage de la musique, dans une forme de panthéisme.

À tout point de vue, notre but était d’être honnêtes sur ce film, plus que les autres cinéastes ne l’ont été jusque-là. Ça signifie aussi que si quelqu’un se fait frapper ou flinguer, la scène doit vous retourner l’estomac. Ou je n’ai pas fait correctement mon travail !

Pouvez-vous nous dire un mot sur le personnage du Marshall, joué par Luke Wilson ? C’est un personnage fondamental, mais physiquement absent d’une grande partie du métrage.

Il incarne quelque chose. Son personnage tient plus de l’élément symbolique que d’un être véritable. Il représente le progrès, la mort de l’Ouest sauvage, de l’ère du hors-la-loi et de ce style de vie. Il n’a pas besoin de surgir rapidement. Il doit juste venir, continuer à avancer. Cet élément symbolique, qui marque le changement d’une époque, se retrouve dans de nombreux westerns, comme Butch Cassidy and the Sundance Kid, Il était une fois dans l’Ouest ou encore La Horde sauvage. Nous avons fait les choses un peu différemment, dans la mesure où il nous sert à aller à l’encontre des attentes du spectateur, à trahir ces attentes. C’est précisément le propos du film.

Comme son père, Francesca Eastwood est particulièrement impressionnante quand il s’agit d’exprimer une violence contenue. Ce nom, Eastwood, quand il apparait au générique d’un western, vous le vivez comme une sorte d’héritage ?

Bien sûr, on y a pensé. Francesca a deux parents qui sont des légendes, et sincèrement, au début, c’était un peu difficile à ignorer. Mais elle a son propre talent. C’est une star de cinéma en devenir et tout le monde sur le plateau s’est rapidement rendu compte qu’elle amenait bien plus qu’un nom de famille. Elle était parfaite pour ce rôle, qui porte en son sein de vraies problématiques féministes. Je trouve cohérent que le flambeau soit repris par une femme de la famille. Une dure à cuire. Elle est géniale dans le rôle, inoubliable.