Mommy

De l'amour

(Mommy, à retrouver en septembre sur Ciné+ Emotion, également disponible sur CINE+ A LA DEMANDE).

Raz de marée émotionnel, débordant d’un désir fou pour tout ce qui vit, gueule et s’aime, Mommy, prix du jury au dernier Festival de Cannes, est un film dont on est tombé amoureux

Mommy n’est pas qu’un film. C’est une déferlante qui vous emporte. Un bloc qui vous tombe dessus. Un objet étrange et d’une évidence folle qui réussit l’impossible : abolir cette distance, que l’on pensait inévitable, entre le spectateur et l’écran, l’avalant dans un geste de cinéma fou, flamboyant, ambitieux, qui rentre sous la peau et dans le cœur.

Car Mommy, avant d’être le cinquième film du petit prodige québécois Xavier Dolan, avant même d’afficher sa cohérence thématique (la mère, encore la mère, toujours la mère) et de déjà parachever une œuvre en déployant et creusant cette dernière, est surtout une grande œuvre d’amour. Un amour fou, déraisonné, qui fait crier, qui fait pleurer, un amour impétueux et effronté, mais qui laisse le souffle court devant tant d’inspiration et de frénésie.

L’amour, c’est d’abord celui de cette mère courage, veuve et sans grande ressource, Diane Dye Desprès, pour son fils de 16 ans, terreur blonde, impulsif et violent, atteint de troubles anxieux et d’hyperactivité. Un amour envers et contre tout, d’une puissance déraisonnable, un véritable amour « comme dans les films » que Dolan fait vibrer chez des personnages trash, vulgaires, maladroits, car chez lui, il n’y a pas d’écart possible entre le noble et le populaire, le caniveau et les étoiles.

C’est bien aussi ce qui bouleverse tant dans ce Mommy. Ce geste d’amour insensé, démocratique qui se voit à l’écran, mais se vit aussi dans la salle, tant les sentiments que Dolan trahit sans arrêt envers ses personnages et ses acteurs nous assaillissent. Oui, Dolan aime ses acteurs. Cela se voit, cela se sent. Anne Dorval, bien sûr, éclatante de présence, malpolie et généreuse. Suzanne Clément, encore, en souris timide et bègue, voisine du couple maudit, en arrêt de travail depuis un an et qui peu à peu se libérera de son traumatisme. Et Antoine-Olivier Pilon, véritable révélation tout en saillies explosives et en fulgurances adolescentes, intense et à fleur de peau. Oui, Dolan les aime et les aime même tant qu’il leur offre ce format saisissant du 1.1, un écran carré enserrant leurs visages, symbolisant certes l’enfermement de ces personnages, mais libérant autant que magnifiant leurs performances.

Mais le plus irrésistible est probablement l’amour du cinéma dont transpire Mommy. Un amour qui permet que s’enchaînent les grands moments, les grandes scènes parce Dolan n’a aucun complexe à en offrir trop, mais qui surtout permet de voir (à nouveau ?) le cinéma comme un art du vivant, un art aux mille et une ressources expressives, un art où tout n’a pas encore été exploré et qui, n’ayant, aux yeux du cinéaste, à se plier à aucune convention, parvient à hurler sa liberté avec un panache désarçonnant. Oui, Dolan a réussi un film formidable, car il a compris qu’il n’avait pas à être présent à l’écran pour être dans son film, sans cesse. Son style, son regard, sa tendresse, son exubérance… et surtout, sa candeur sont de chaque plan, de chaque instant.

Comment ne pas s’y plier ? Oui, l’analyse à froid, l’argumentaire critique traditionnel pourraient facilement trouver de quoi renâcler devant Mommy. Sa façon d’être sans cesse démonstratif, ses répétitions, ses ralentis, son utilisation clipesque de la musique… Oui, tout cela est aussi dans Mommy. Mais voilà un film qui aura tout de même réussi l’impossible : transcender ses propres défauts pour mieux exister comme un film d’une telle sincérité qui ose tout mettre sur la table au risque d’en faire trop, un film si profondément généreux et sentimental au sens noble du terme qu’il commande une réaction aussi physique que directe, à la hauteur de ce qu’il avance. Une réaction bien évidemment amoureuse. Frissons sur les bras, cœur serré, peur et bonheur compris.

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